Page:Opuscules philosophiques et littéraires. La plupart posthumes ou inédites.djvu/48

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der que ce bonheur n’est pas impossible. Je ne sais cependant si l’amour a jamais rassemblé deux personnes faites à tel point l’une pour l’autre, qu’elles ne connussent jamais la satiété de la jouissance, ni le refroidissement qu’entraîne la sécurité, ni l’indolence et la tiédeur qui naissent de la facilité et de la continuité d’un commerce dont l’illusion ne se détruit jamais, (car, où en entre-t-il plus que dans l’amour ?) et dont l’ardeur enfin fût égale dans la jouissance et dans la privation, et pût supporter également les malheurs et les plaisirs.

Un cœur capable d’un tel amour, une ame si tendre et si ferme, semble avoir épuisé le pouvoir de la divinité ; il en naît une en un siècle ; il semble que d’en produire deux soit au-dessus de ses forces, ou que si elle les avoit produites, elle seroit jalouse de leurs plaisirs si elles se rencontroient. Mais l’amour peut nous rendre heureux à moins de frais ; une ame tendre et sensible est heureuse par le seul plaisir qu’elle trouve à aimer. Je ne veux