Page:Opuscules philosophiques et littéraires. La plupart posthumes ou inédites.djvu/49

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pas dire par-là qu’on puisse être parfaitement heureux en aimant, quoiqu’on ne soit pas aimé ; mais je dis que quoique nos idées de bonheur ne soient pas également remplies par l’amour de l’objet que nous aimons, le plaisir que nous sentons à nous livrer à toute notre tendresse peut suffire pour nous rendre fort heureux ; et si cette ame a encore le bonheur d’être susceptible d’illusion, il est impossible qu’elle ne se croie pas plus aimée qu’elle ne l’est peut-être en effet : elle doit tant aimer qu’elle aime pour deux, et que la chaleur de son sentiment supplée à ce qui manque réellement à son bonheur. Il faut sans doute qu’un caractère sensible, vif et emporté, paye le tribut des inconvéniens attachés à ces qualités, je ne sais si je dois dire bonnes ou mauvaises ; mais je crois que quiconque composeroit son individu les y feroit entrer. Une première passion emporte tellement hors de soi une ame de cette trempe, qu’elle est inaccessible à toute reflexion et à toute idée modérée. Elle peut sans