Page:Oraison funèbre de très haute et puissante Dame, Madame Justine Pâris, 1884.djvu/27

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elle comptait plus de succès que n’en compta la fameuse Ninon de l’Enclos après un siècle de vie, ou plutôt s’ils étaient déjà innombrables, ses cicatrices l’étaient aussi.

Parlons sans figures. Ses parents, en lui transmettant cette vigueur et cet amour de la volupté, qualités héréditaires dans sa famille, lui avaient transmis une maladie qui en est le fruit.

Cette maladie, née avec elle, fomentée par le plaisir, accrue par les veilles, était devenue incurable par les travaux et les fatigues de notre héroïne.

Toutefois, elle semblait l’avoir respectée jusque-là ; mais ce levain malheureux, mêlé aux levains étrangers qu’elle avait ramassés de toutes parts, vint à fermenter. Déjà tout l’intérieur de sa machine s’en ressentait, la masse de ses humeurs en était infectée : il ne circulait plus que du poison dans ses veines au lieu de sang, et Justine pouvait s’écrier, encore plus que M. Robé de Beauvezet : La vérole, ô mon Dieu, m’a criblée jusqu’aux os !

Tel était son état quand elle revint dans sa patrie. Elle sentit l’horrible ravage qui se faisait au dedans d’elle-même, et n’en fut pas épouvantée.

Avertie par là qu’elle n’avait plus longtemps à jouir, elle résolut d’en mieux employer le peu de jours qui lui restaient. Heureusement que sa figure, quoique altérée par le mal qui la minait intérieurement, était encore séduisante.

C’était un bâtiment dont les dehors gracieux, en laissant entrevoir des ruines, faisaient toutefois plaisir à la vue et arrêtaient le spectateur.

Ses succès recommençaient en cette ville, lorsqu’il