Page:Oraison funèbre de très haute et puissante Dame, Madame Justine Pâris, 1884.djvu/28

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lui survint une disgrâce qui épura son mérite, mit le comble à sa célébrité, et nous donna lieu de nous lier de l’amitié la plus étroite [1].

L’envie triompha cette fois. Cette illustre fille fut conduite en cet édifice superbe que la magnificence de nos rois a fait construire pour la retraite des femmes invalides. J’y gémissais depuis longtemps dans une dure captivité. Sa présence fit naître la joie dans mon cœur. Je la voyais pour la première fois, et je trouvai que la renommée n’en avait rien dit de trop.

Un coup de sympathie nous fit sentir une tendresse réciproque, et je fus presque fâchée d’obtenir une liberté qui m’empêchait de jouir de la société de cette aimable compagne.

Cependant on essayait de dompter ce courage rebelle. Déjà les Esculapes et les Machaons[2] mettaient en œuvre tout leur art pour en arrêter la fougue : ce fut inutilement ; ils devinrent eux-mêmes les victimes de l’art de Justine.

Ces faibles humains éprouvèrent combien il était dangereux de voir de trop près ses charmes. Il fallut donner l’essor à une héroïne dont rien ne pouvait contenir l’impétuosité.

Ce fut alors qu’elle fonda cette maison, qu’elle me prit avec elle pour y présider sous son inspection.

Plusieurs années de la vie de Justine s’écoulèrent de nouveau dans des fêtes délicieuses. Je ne sais combien d’illustres amants voulurent partager ses trophées et ses cicatrices.

Je ne vous retracerai pas, mes chères filles, la dernière partie de sa vie. Vous en avez été les té-

  1. (B) La drôlesse Gourdan rappelle à ses Nymphes, le souvenir de sa première rencontre avec Justine, à l’Hôpital des femmes vérolées.
  2. (C) Machaon, fils d’Esculape, était un célèbre médecin de l’antiquité.