Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/208

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pierre de souvenir, pour que les temps futurs apprennent ma renommée ; pour que la mère de Calmar se réjouisse de sa gloire ! »

Non, fils de Matha, dit Cuthullin, jamais je ne te laisserai ici. Ma joie est dans un combat inégal et mon âme grandit dans le danger. Connal, et toi Garril des temps passés, conduisez les tristes enfants d’Érin. Quand le combat aura cessé, revenez nous chercher dans cet étroit passage. Car nous tomberons près de ce chêne, dans le torrent de la bataille des mille ! Fils de Fithil, vole avec la rapidité de l’aile sur la plaine de Lena ; dis à Fingal qu’Érin a succombé. Prie le roi de Morven de venir. Oh ! qu’il vienne, comme le soleil dans un orage, éclairer et ranimer notre île ! »

Le matin blanchit sur le Cromla : les enfants de la mer le gravissent. Ferme, les attendait Calmar, dans l’orgueil de son âme brûlante : mais pâle était le visage du chef. Il s’appuyait sur la lance de son père, sur cette lance qu’il apporta de Lara, quand l’âme de sa mère était triste ; l’âme de la solitaire Alcletha, qui s’éteint par degrés dans la tristesse des années. Mais le héros s’affaisse et toud)e comme un arbre sur la plaine. Le sombre Cuthullin reste seul, semblable à un rocher dans un vallon sablonneux : la mer vient avec ses vagues et rugit sur ses flancs endurcis : sa tête est couverte d’écume et les collines retentissent alentour.

Dans la grise vapeur de l’Océan apparaissent enfin les blanches voiles de Fingal. Haute est la forêt de mâts qui se balancent sur les vagues roulantes. Swaran les aperçut de la colline et cessa de poursuivre les enfants d’Érin. Comme la mer rugissante reflue à travers les cent îles d’Inistore ; ainsi, immense et bruyante, revient contre Fingal la vaste armée de Lochlin. Mais triste et penché dans ses pleurs, Cuthullin marche à pas lents, traînant sa longue lance