Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/209

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derrière lui : il s’enfonce dans les bois du Cromla, et gémit sur la chute de ses amis. Il redoutait le visage de Fingal, accoutumé à le féliciter, quand il revenait des champs de la gloire. « Combien, disait-il, gisent là de mes héros ! les chefs de la race d’Érin, ceux qui se réjouissaient dans la salle des festins, quand résonnait le bruit des coupes ! Je ne rencontrerai plus leurs pas sur la bruyère ; je n’entendrai plus leurs voix à la chasse. Pâles et silencieux, ils sont couchés sur leurs lits sanglants, ceux qui furent mes amis ! Ô esprits de ceux qui viennent de mourir, venez trouver Cuthullin sur la bruyère ; venez sur les vents converser avec lui quand gémira l’arbre de la caverne de Tura. Là, loin de tous, j’habiterai inconnu. Nul barde n’entendra parler de moi ; nulle pierre grise ne sera élevée à ma gloire. Pleure-moi parmi les morts, ô Bragéla ! ma gloire s’est évanouie ! » Telles étaient les paroles de Cuthullin, lorsqu’il s’enfonçait dans les bois du Cromla.

Fingal, majestueux dans son navire, étendit devant lui sa lance brillante. Terrible était l’éclat de l’acier ! C’était comme le vert météore du trépas, qui se pose sur la bruyère de Malmor, quand le voyageur est seul et que la pleine lune est obscurcie dans le ciel.

« La bataille est finie, dit le roi, j’aperçois le sang de mes amis. Triste est la plaine de Lena ; pleins de deuil sont les chênes du Cromla ! Les chasseurs sont tombés dans leur force. Le fiils de Semo n’est plus ! Ryno et Fillan, mes fils, faites retentir le cor de Fingal. Gravissez cette colline sur le rivage et appelez les enfants de l’ennemi. Appelez-les non loin du tombeau de Lamdarg, le chef des temps passés. Que votre voix soit comme celle de votre père, quand il entre dans les combats de sa force. J’attends le superbe étranger ; j’attends Swaran sur le rivage de Lena. Qu’il vienne avec toute sa race ; puissants dans les combats sont les amis des morts ! »