Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/242

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sais-je à mon âme, pourrai-je lever la lance comme le noble Fingal ? Depuis, ô guerrier, nous avons combattu sur les pentes touffues de Malmor ; quand mes vagues m’eurent porté vers tes salles et que le festin des mille coupes eut été étalé. Que le barde envoie aux âges futurs le nom du vainqueur, car ce fut un noble combat que celui de Malmor ! Mais plusieurs des navires de Lochlin ont perdu leurs jeunes guerriers sur Lena : prends-les, roi de Morven, et sois l’ami de Swaran ! Quand ton fils viendra à Gormal, le festin des coupes sera étalé et le combat lui sera offert sur la vallée. »

« Fingal, reprit le roi, ne prendra ni vaisseau, ni terre aux nombreuses collines. Le désert me suffit avec ses daims et ses bois. Monte de nouveau sur tes vagues, noble ami d’Agandecca : ouvre tes blanches voiles au rayon du matin et retourne vers les collines du Gormal. »

« Bénie soit ton âme ! roi des coupes, dit Swaran au bouclier bruni. Dans la paix tu es la brise du printemps ; dans la guerre, l’orage des montagnes. Maintenant, prends ma main en signe d’amitié, roi de la retentissante Selma. Que tes bardes pleurent sur ceux qui sont tombés et qu’Érin confie à la terre les enfants de Lochlin. Élevez dans l’air les pierres moussues de leur gloire, pour que les fils du nord puissent un jour contempler l’endroit où combattirent leurs pères. Le chasseur dira peut-être, appuyé sur la mousse d’un tombeau : « Ici combattirent Fingal et Swaran, héros des anciens temps. » Ainsi dira-t-il dans l’avenir, et notre gloire durera pour toujours. »

« Swaran, dit le roi des collines, notre renommée ne sera jamais plus grande qu’aujourd’hui. Nous passerons comme un rêve. Nul bruit ne restera dans nos champs de bataille. Nos tombes seront perdues dans la bruvère, et le chasseur ne connaî-