Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/337

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lui et il soupira. Je vois, dit-il, les armes de Trenmor ; et ce sont là les pas du roi ! Fingal, tu es un rayon de lumière pour l’âme assombrie de Cormac. Précoce est ta gloire, mon fils, mais puissants sont les ennemis d’Érin. Ils sont comme le débordement des torrents dans le pays, ô fils de Comhal des chars ! » — « Mais ils peuvent être repoussés, m’écriai-je dans l’orgueil de mon âme. Nous ne sommes point de la race des faibles, ô roi des tribus aux bleus boucliers ! Pourquoi la peur, comme un fantôme de la nuit, viendrait-elle parmi nous ? L’âme du brave s’agrandit quand les ennemis s’accroissent sur le champ des batailles. Ne roule pas, ô roi d’Érin, une ombre décourageante sur moi, jeune encore dans la guerre ! »

Les larmes du roi jaillissent ; il prend ma main en silence. « Race de l’audacieux Trenmor, me dit-il enfin, je ne roule aucun nuage devant toi ! Tu brûles du feu de tes pères ! Je vois ta gloire : comme un fleuve de lumière, elle révèle ta course à travers les batailles. Mais attends l’arrivée de Cairbar ; il faut que l’épée de mon fils se joigne à ton épée ! De leurs torrents éloignés, il appelle au combat tous les enfants d’Érin. »

« Nous arrivâmes au palais du roi. Il s’élève au milieu des rochers dont les flancs rembrunis conservent les traces des anciens torrents. De larges chênes revêtus de mousse se penchent alentour ; non loin de là se balance le bouleau touffu. À moitié cachée dans l’ombre de ses bois, Ros-crana chantait, et sa main blanche effleurait sa harpe. Je contemplai ses beaux yeux bleus ; elle ressemblait à un esprit du ciel à demi enveloppé dans les plis d’un nuage.

« Nous passâmes trois jours en fêtes à Moi-lena. Brillante se levait Ros-crana dans mon âme troublée. Cormac me vit inquiet, il me donna la blanche