Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/344

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dans sa démarche majestueuse il penche son œil d’amour vers Sul-malla : elle détourne la tête avec fierté et bande négligemment son arc.

Tels étaient les rêves de la jeune fille, quand vint Cathmor d’Atha. Il voit devant lui ce beau visage au milieu de ses boucles flottantes : il reconnaît la fille de Lumon. Que doit faire Cathmor ? Il soupire, ses larmes coulent : mais soudain il se détourne. « Ce n’est point ici le temps, ô roi d’Atha, de réveiller le secret amour de ton âme ! La bataille roule devant toi comme un fleuve troublé. »

Il frappe sur son bouclier cette bosse du signal[1] où réside la voix de la guerre. Érin se lève autour de lui avec un bruit semblable à celui des ailes de l’aigle. Sul-malla se réveille en sursaut, dans le désordre de ses cheveux ; elle saisit son casque par terre et tremble à sa place. « Aurait-on reconnu dans Erin, la fille d’Inis-huna ? Elle se rappelle qu’elle est de la race des rois, et la fierté de son âme se réveille. Elle se retire derrière un rocher, non loin d’un torrent dont les ondes bleues serpentent dans une vallée, où demeuraient les biches fauves avant que n’éclatât la guerre. Là, de temps en temps, la voix de Cathmor arrivait à l’orreille de Sul-malla. Son âme est profondément triste. Elle répand ces paroles sur la brise :

« Les rêves d’Inis-huna sont partis : ils se sont évanouis de mon âme. Je n’entends plus la chasse dans mon pays. Je suis cachée sous le voile de la guerre. Je regarde hors de mon nuage, mais nul rayon ne paraît pour éclairer mes pas. Je vois mon guerrier terrassé ; car le roi au large bouclier s’approche ; celui qui triomphe des dangers, Fingal venu

  1. Pour comprendre ce passage, il est nécessaire de jeter les yeux sur la description du bouclier de Cathmor dans le septième livre.