Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/348

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À ces mots, il s’avance vers les rocs escarpés de Cormul. Le roi des héros marche à pas lents, et à chacun de ses mouvements la lumière jaillit de son bouclier. Ses regards se portent de côté vers la bruyère, où les lignes de l’armée se forment et s’avancent. Ses cheveux à moitié blanchis flottent gracieusement autour de ses traits augustes, maintenant éclairés d’une terrible joie. Tout-puissant est le chef ! Sombre et à pas lents je marchais derrière lui. Tout à coup accourt vers moi le redoutable Gaul. Son bouclier pendait négligemment à sa courroie ; en hâte il parle ainsi à Ossian : « Fils de Fingal, attache ce bouclier, attache-le sur le côté de Gaul ; l’ennemi pourra l’apercevoir et croira que j’ai levé la lance. Si je succombe, que mon tombeau soit caché dans la plaine, car je tomberai sans gloire : mon bras ne peut lever la lance ! Qu’Évir-choma l’ignore, car elle en rougirait sous le voile de ses cheveux. Fillan, les puissants nous contemplent ! N’oublions pas le combat ! Descendraient-ils de leurs collines pour rallier notre armée en déroute ? »

Il s’avance au bruit de son bouclier, et ma voix le suit à mesure qu’il s’éloigne : « Le fils de Morni, dans Érin, peut-il tomber sans gloire ? Mais les actions des braves sont oubliées d’eux-mêmes ; ils s’élancent insoucieux sur les champs de la renommée, et jamais on ne les entend se vanter de leurs hauts faits ! »

Je me réjouissais dans la marche du chef. Je montai au rocher du roi : c’est là qu’il est assis, les cheveux flottants, au milieu des vents de la montagne.

Les armées, en deux sombres files, se penchent l’une vers l’autre, sur les rives du Lubar. Ici, colonne de ténèbres, s’élève Foldath : là, brille la jeunesse de Fillan. Chacun d’eux, sa lance dans le torrent, fait retentir au loin la voix de la bataille. Gaul frappe le bouclier de Selma. Tous, à la fois, se plongent