Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/349

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dans le combat : l’acier réfléchit son éclat sur l’acier. Les armées, sur la plaine, brillent comme deux torrents qui, du haut de deux rocs sourcilleux, tombent et confondent leur écume ! Voyez ! il vient, le fils de la gloire ! Il couche les hommes sur le sol ! La mort autour de lui s’est assise sur les vents. Tes pas, ô Fillan, sont jonchés de guerriers !

Rothmar, le bouclier des guerriers, se tenait entre deux rochers crevassés. Deux chênes que les vents ont inclinés étendent leurs branches de chaque côté. Il roule de sombres regards sur Fillan, et, silencieux, il couvre ses amis. Fingal vit s’approcher l’instant du combat, et l’âme de ce héros en fut émue. Mais, comme la pierre de Loda[1] se détache et tombe tout à coup du sommet chancelant du Druman-ard, quand les esprits soulèvent la terre dans leur courroux, ainsi tomba Rothmar au bleu bouclier.

Non loin de là sont les pas de Culmin. Le jeune guerrier s’avance en fondant en larmes. Plein de rage, il coupe l’air de son épée, impatient de mêler ses coups à ceux de Fillan. Il avait bandé l’arc pour la première fois avec Rothmar sur le rocher de son bleu torrent natal. C’est là qu’ils remarquaient ensemble le gîte des chevreuils, quand les rayons du soleil glissaient sur la fougère. Pourquoi, fils de Culallin, pourquoi, Culmin, te précipites-tu sur ce rayon de lumière ? C’est un feu qui consume. Fils de Culallin, retire-toi ! Vos pères n’étaient point égaux dans la lutte étincelante des champs de bataille !

La mère de Culmin est restée dans sa demeure ; elle jette les yeux sur la course bleue du Strutha : un noir tourbillon se lève sur le torrent et tourne autour de l’ombre de son fils[2]. Ses chiens hurlent

  1. Par la pierre de Loda, le poète fait allusion à un lieu sacré chez les Scandinaves.
  2. On croyait que les chiens étaient sensibles à la mort de