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CARTHON

ges de l’infortunée Moina. Par vos chants appelez son ombre sur nos collines ; qu’elle y repose avec les beautés de Morven, les rayons des autres jours, les délices des héros du passé. J’ai vu les murs de Balclutha, mais ils étaient désolés. La flamme avait retenti dans les salles et la voix du peuple ne s’y fait plus entendre. Le torrent de Clutha était détourné de son cours par la chute des murailles ; le chardon y balançait sa tête solitaire ; la mousse sifflait à la brise ; le renard se montrait aux fenêtres et l’herbe épaisse des murs ondoyait sur sa tête. Désolée est la demeure de Moina ! le silence est dans la maison de ses pères ! Élevez, ô bardes, élevez le chant de la douleur sur la terre des étrangers ! Ils n’ont fait que tomber avant nous : un jour aussi il nous faudra tomber. Pourquoi bâtir des palais, ô homme, fils des jours ailés ? Aujourd’hui tu regardes du haut de tes tours : encore quelques années et le vent du désert viendra ; il viendra hurler dans tes cours abandonnées et siffler autour de ton bouclier à demi usé. — Mais qu’il vienne le vent du désert ! nous serons renommés dans notre jour ! La trace de mon bras restera dans les batailles et mon nom dans le chant des bardes ! Chantez, faites circuler la coupe ; que la joie se fasse entendre dans mon palais ! Et toi, fils du ciel, quand tu t’éteindras — si tu dois t’éteindre, ô puissante clarté ! si, comme Fingal, ta splendeur n’est que pour une saison ; — notre gloire survivra à tes rayons ! »

Tel fut le chant de Fingal au jour de sa joie.

Ses mille bardes se penchaient sur leurs sièges pour écouter la voix du roi ; cette voix pareille à la musique des harpes sur la brise du printemps. Tes pensées étaient riantes, Fingal ! Pourquoi Ossian n’a-t-il pas la force de ton âme ? Mais tu es seul, ô mon père ! qui pourrait égaler le roi de Selma ?

La nuit se passa dans les chants, et le matin revoit dans la joie. Les montagnes montraient leurs