Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/181

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deuxième degré et envoyé en Sibérie dans une forteresse, pour quatre ans, nommé dans les cadres comme soldat, ma peine terminée.

« Après avoir quitté la forteresse d’Omsk, j’entrai comme simple soldat dans le 7e bataillon de ligne sibérien. En 1855, je fus gradé sous-officier et en 1856 la Haute grâce de Votre Majesté me nomma officier. En 1858, Votre Majesté Impériale daigna encore me toucher de Sa grâce en me dotant du droit de noblesse héréditaire. Je pris ma retraite la même année. Depuis ce jour, j’habite la ville de Tveer. Ma maladie fait des progrès : après chaque accès, je perds la mémoire, l’imagination, mes forces physiques et morales. L’issue de ma maladie se dessine clairement : c’est l’épuisement, la mort ou la folie. J’ai une femme et un beau-fils dont je dois assurer l’existence. Je ne possède aucun bien et je vis uniquement de mes travaux littéraires, durs et fatigants, étant donné mon état de santé.

« Et cependant les médecins espèrent ma guérison en se basant sur ce fait que ma maladie n’est pas héréditaire, mais acquise. Mais il m’est impossible de trouver un secours efficace ailleurs qu’à Pétersbourg où sont les sommités spécialistes des maladies nerveuses.

« Majesté Impériale, mon sort, ma santé et ma vie dépendent de Votre volonté. Veuillez me permettre de partir à Pétersbourg afin que je puisse suivre un traitement rationnel. Ressuscitez-moi et donnez-moi la possibilité, ma santé rétablie, d’être utile à ma famille et peut-être utile aussi à ma patrie.

« J’ai à Pétersbourg deux frères que je n’ai pas vus depuis dix ans ; leurs soins pourraient alléger ma situation difficile. Par contre, ma mort peut laisser ma femme et mon beau-fils sans aucun secours. En attendant, tant qu’il me restera une goutte de sang, je travaillerai pour assurer leur existence.

« Dieu seul dispose de l’avenir et les espérances humaines sont rarement justifiées.

« Majesté toute charitable, daignez excuser ma nouvelle supplique et veuillez me montrer Votre bienveillance extraordinaire en ordonnant la réception de mon beau-fils, Paul Isaïev, âgé de douze ans, comme boursier dans un collège de Saint-Pétersbourg. Il est noble par hérédité, fils d’Alexandre Isaïev, secrétaire de département[1], mort en Sibérie, au service de Votre Majesté Impériale, dans la ville de Kunetsk, du gouvernement de Tomsk, où il succomba faute de soins, laissant, sans aucun moyen d’existence, une femme et un enfant.

« Si la réception de Paul Isaïev au collège était impossible, daignez, dans Votre bienveillance impériale, donner l’ordre de le recevoir dans un des corps de cadets à Saint-Pétersbourg.

« Vous rendrez heureuse une pauvre mère qui, chaque jour,

  1. Titre. (Tschine.)