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La Société d’utilité publique des femmes suisses a eu la curieuse idée d’offrir par souscription un don national à la Confédération, comme contribution aux frais de la mobilisation. Elles estiment que beaucoup d’entre elles ne seront pas touchées par l’impôt de guerre ou touchées moins que proportionnellement. Elles se disent heureuses en comparaison de leurs sœurs des autres pays de jouir comme auparavant des bénéfices de la paix. Elles estiment que leur don permettra de réduire moins les dépenses publiques pour l’enseignement professionnel et la prévoyance sociale qui les concernent de très près[1].

Ces innovations ne seront pas éphémères. Un déchet de 10 millions d’hommes de 18 à 45 ans constituera évidemment, un élément de trouble pour l’existence telle qu’elle était organisée avant la guerre ; l’équilibre entre les sexes et les âges sera rompu, déterminant une véritable révolution dans les mœurs. La femme remplira peu à peu une foule de rôles qu’elle ne songeait pas à disputer à l’homme. Rendues sérieuses par le besoin de gagner leur vie, elles constitueront une société moins frivole[2].

5. Cependant parmi les femmes il s’en est levé qui ont fait œuvre de réflexion. Celles qui déjà avant la guerre avaient multiplié dans tous les pays des associations pour encadrer l’action de la femme et la mener à la conquête du suffrage. Elles se sont concertées au cours des événements et, en un Congrès considérable, réuni à la Haye, le 28 avril 1916, elles ont démontré qu’un nouveau facteur des affaires internationales était né[3]. Déjà depuis 1905 le Conseil international des femmes avait créé des sections dans tous les pays, et y avait concentré les associations des femmes. Une association internationale fonctionnait aussi pour le droit de suffrage (Jus suffragii). Les femmes ouvrières socialistes et chrétiennes s’étaient également, les unes séparément des autres, fédérées internationalement[4]. Ce sont ces forces, à l’initiative de la Hollande et des États-Unis, qui ont élevé la voix.

D’abord les femmes protestent. En termes vibrants, émus, cinglants, avec une éloquence tantôt contenue, tantôt débordante, la guerre fut dénoncée à la fois comme la plus folle, la plus odieuse, la plus terrible et aussi comme la plus dégoûtante des actions humaines. « Bella matribus detestata ! » La guerre, dont finalement les femmes ont à supporter les frais, tandis que faussement les hommes la leur présentent

  1. Journal de Genève, 23 août 1915.
  2. Arthur Girault, L’ère des femmes.
  3. Congrès international des femmes. La Haye, 28 avril 1915. Résolutions adoptées. Amsterdam-Concordia. — Torvards permanent Peace. A record of the women’s international Congress 1915, avec un article de Paul Otlet (Levant l’étendard de l’action).
  4. Sur ces associations internationales consulter l’Annuaire de la Vie Internationale.