Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/371

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De même que l’État est la force organisée des sociétés, la politique est la conduite de la vie collective. Elle est à l’ensemble ce que la règle de vie est au particulier. Dans sa forme la plus haute la politique doit s’attacher à concilier les intérêts. Toute question à son heure peut devenir politique et tous les grands intérêts permanents doivent faire l’objet de programmes poursuivis continuellement par la collectivité. C’est ainsi qu’il existe une politique commerciale, une politique des nationalités, une politique des intérêts intellectuels.

Parmi les tendances générales de la politique à l’heure actuelle, nous relevons les suivantes :

a) La politique devient rationnelle. Elle doit tenir compte des faits, les mesurer, leur faire une place. Elle doit appliquer à la solution des problèmes du jour les principes scientifiques qui ont tant contribué à faire progresser l’industrie et le commerce dans tous les domaines. Les matières qu’elle touche, elle doit le taire en tenant compte de tout le complexe humain. Elle ne doit pas être traitée comme chose isolée, mais comme une partie de l’ensemble de toutes les activités, de toutes les disciplines sociales.

À la vérité nous sommes loin de tels desiderata. Dans la pensée, la volonté, les sentiments collectifs, tout n’est pas précis et défini. Il reste beaucoup dans le vague, dans l’indéterminé ; on tâtonne, on marche sur des approximations ; on est bien loin de la rigueur du raisonnement scientifique. Quel abîme encore entre les méthodes de la science et celles de la politique ! L’esprit scientifique analyse, distingue, calcule, pèse ; il imagine des méthodes infiniment délicates et constate l’existence d’infiniment petits, (mesure des températures à degré, culture microscopique des bacilles, etc). En politique, au contraire, ce sont de grandes approximations, des formules d’une vérité encore grossière. Le scalpel et le rasoir diatomique y sont remplacés par la hache qui se borne à équarrir. Autre chose serait impossible aujourd’hui car, en haut, pour celui qui manie l’outil du pouvoir, la science politique est trop vague, trop incertaine encore, et en bas, chez ceux qui sont conduits, ce sont des idéologies encore trop frustes. (Les historiettes simplistes des religions marquent encore l’étiage de la compréhension de beaucoup de masses.) Mais cependant dans l’ensemble on peut dire que la politique interne des États tend aujourd’hui à passer du stade émotif et cahotique au stade rationnel et ordonné, en faisant une part de plus en plus grande aux sciences sociologiques.

b) Il y a tendance à distinguer de plus en plus le technique et le politique, à ne confier des fonctions qu’à des compétences réelles et à enlever les fonctionnaires à la désignation directe du vote populaire ou de la faveur politique. Il y a déformation de la mentalité administrative sous l’influence de la politique. Le vrai esprit administratif consiste à faire abstraction des intérêts de personnes ou de faits dont