Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/375

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des peuples ; les aspirations nationales, forces impondérables qui s’introduisent désormais dans les calculs les plus réalistes, l’inquiétude partout ressentie en présence des revendications (non encore toutes exprimées) des travailleurs manuels : c’est dans un tel réseau d’intérêts universels que se meut maintenant la politique[1].

7. Cependant, à l’heure actuelle, nous avons à lutter contre une méthode de gouvernement international vraiment incohérente et machiavélique, aussi subversive de démocratie et de liberté populaire que le militarisme prussien lui-même (Ramsay, Macdonald). Si gouverner c’est prévoir, n’est-ce pas l’effondrement de toute la vieille politique qui n’a pas su imaginer à quels cataclysmes ses méthodes conduisaient l’Europe ? Chaque État a sa politique propre, étroitement égoïste. Là n’est pas le mal qu’il faut supprimer, car il est indispensable que chaque État ait une ligne de conduite propre pour ses relations avec ses voisins[2]. Mais à côté, au-dessus die ces politiques extérieures nationalistes, il y a place pour une politique mondiale dans ses conceptions ou ses directions, faite de la nécessité de donner une direction aux intérêts généraux de l’ensemble des peuples, des États, et des hommes[3].

8. Ce n’est pas uniquement un ensemble d’institutions internationales qu’il s’agit de créer. C’est aussi une transformation complète de l’action des États à l’égard les uns des autres. La nouvelle politique, à l’opposé de l’ancienne politique des antagonismes, doit se poursuivre au moyen d’accords entre les concurrents, de concessions mutuelles. Elle doit être l’art de compter avec la politique des autres et fondée sur la conciliation des vrais intérêts de chacun. L’organisation des institutions internationales est indispensable. « Mais ce qu’il importe en même temps, c’est qu’une transformation soit apportée à l’esprit lui-même, afin que l’esprit infuse sa force et sa vie à la lettre des textes et qu’ainsi, après l’écroulement, auquel nous assistons, de toutes les vieilles idées, il fasse surgir un monde nouveau. »


291.4. LES PARTIS POLITIQUES. — À l’intérieur la politique est appuyée sur les partis. Ce sont des unions de personnes contre d’autres qui ont un intérêt ou une opinion contraire. Les partis luttent, dans les limites des formes constitutionnelles, pour l’obtention du pouvoir et souvent aussi en dehors de ces formes. Les partis sont disciplinés. On ne peut laisser liberté complète aux membres et former un parti. La force du parti est en raison directe de sa discipline ; l’indépendance et l’originalité de ses membres en raison inverse. Les

  1. Paul Feyel, Histoire politique du XIXme siècle, p. 7.
  2. Voir la déclaration que proposa Volney en 1789 relativement à la politique internationale de la France.
  3. Dans son discours de novembre 1913, à Newcastle, sir Edward Grey assignait comme une des quatre tâches de son département : « employer l’influence de la nation en faveur des buts humanitaires dans le monde ».