Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/388

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à l’être[1]. L’Allemagne semble avoir tiré de cette conception des corollaires qui jusqu’ici avaient fait reculer d’autres États, mais qui n’en dérivent pas moins logiquement de l’idée, commune à tous, que l’État ne doit connaître aucun maître, aucune force au-dessus de lui ; que, faite pour être obéie, sa volonté ne doit jamais obéir qu’à elle-même.

1re Conséquence : Pas de convention internationale absolue. L’État peut volontairement consentir des limitations à sa souveraineté, mais alors même il n’est pas tenu par ses engagements. Les liens qu’il a contractés ainsi sont l’œuvre de sa volonté ; ils restent pour cette raison subordonnés à sa volonté et n’ont de force obligatoire que dans la mesure où il continue à les vouloir. Les contrats d’où ces obligations dérivent visaient une situation déterminée ; c’est à cause de cette situation qu’ils les avaient acceptés ; qu’elle change, et il est délié. Et comme c’est lui qui décide souverainement et sans contrôle si la situation est ou non restée la même, la validité de ces contrats dépend donc de lui. Il peut, en droit, les dénoncer, les résilier, c’est-à-dire les violer quand et comme il lui plaît. C’est pourquoi tous les contrats internationaux ne sont consentis qu’avec cette clause : rebus sic stantibus (tant que les circonstances seront les mêmes). Un État ne peut engager sa volonté envers un autre État pour l’avenir.

2me Conséquence : Pas de juges internationaux. L’État n’a pas de juge au-dessus de lui. Il ne saurait accepter la juridiction d’un tribunal international, de quelque manière qu’il soit composé. Se soumettre à la sentence d’un juge ce serait se placer dans un état de dépendance inconciliable avec la notion de souveraineté. D’ailleurs, au nom de quel droit prononcerait le juge ? Si c’est au nom de la justice qu’il trouve dans sa conscience, c’est, trop vague, incertain, fuyant. Si c’est au nom du droit international établi, la base est inexistante puisque, on l’a vu, à tout moment les États peuvent juger de leur intérêt de sortir d’eux-mêmes des conventions qu’ils ont conclues.

3me Conséquence : La guerre nécessaire. Un État se doit à lui-même de résoudre par ses propres forces les questions où il juge que ses intérêts essentiels sont engagés. La guerre est sainte parce qu’elle est la condition nécessaire à l’existence des États, et que sans État l’Humanité ne peut vivre.


4me Conséquence : L’honneur de l’État avant tout. Une fierté, un orgueil sans bornes, voilà par excellence les vertus de l’État. L’État est

  1. Dans son livre, Politik, Treitschke a soutenu cette thèse avec plus de force qu’aucun. Nous avons fait de larges emprunts à l’analyse critique qu’en a présenté M. E. Durkheim dans son étude : L’Allemagne au-dessus de tout, A. Colin, Paris.

    Politik, le livre de Treitschke est un cours que l’auteur professa tous les ans à l’Université de Berlin, à partir de 1874. Ami de Bismarck, grand admirateur de Guillaume II, Treitschke fut un des premiers et des plus fougueux apôtres de la politique impérialiste. Von Bernhardi dont le nom a fait tant de bruit, n’est qu’un disciple de Treitcschke.