Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/485

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État s’il intervient pour des intérêts qu’on peut prouver. On ne pourrait en vouloir qu’à celui qui, insidieusement, se mêle à une affaire sans intérêt qui puisse être prouvé. » Le prince de Bülow, dès 1915, déclarait au Reichstag, à propos des affaires du Maroc : « Le langage et l’attitude des diplomates et des politiciens se règlent d’après les circonstances. » Il préludait ainsi à la triste formule par laquelle la diplomatie allemande a inauguré la guerre : « Les traités sont des chiffons de papier ! »

4. Mais il y a aussi dans la diplomatie une impuissance réelle à résoudre les vraies difficultés. Tandis que le développement des affaires internationales s’est précipité, la manière de gouverner des ambassadeurs est restée à peu près la même et l’organisation diplomatique ne répond absolument plus aux besoins actuels. La faiblesse est apparue aux yeux de tous lors de la dernière crise balkanique. Celle-ci stupéfia littéralement les diplomates, qui n’avaient osé résoudre un problème, ni grand, ni petit. La solution prise en mains par les petits États eux-mêmes, eut lieu en dehors du reste de l’Europe et tout autrement qu’on ne l’avait prévu. Le bon Oxenstierna, voulant rassurer son fils qui ne se sentait pas digne du poste d’ambassadeur suédois, lui disait : « An, nescis, mi fili, quantilla prudentia mundus regatur ? » Le prince de Bismarck qui connaissait bien les diplomates disait d’eux : « Personne, pas même les plus malveillants des démocrates, ne peut se faire une idée de ce qu’il y a de nullité et de charlatanisme dans la diplomatie[1] ». « Les diplomates, dit Novicow, habitués pendant leur vie entière à traiter sérieusement des choses futiles, décorations et autres bagatelles, contractent ensuite la malencontreuse habitude de traiter légèrement les choses les plus graves. Ils déchaînent parfois les guerres les plus épouvantables d’un cœur léger et même inconsciemment. Ils s’habituent à sacrifier des milliers d’existences humaines avec un abandon plein de désinvolture ». L’auteur ajoute : « Nous parlons surtout des diplomates de l’ancienne école dont le type tend à disparaître fort heureusement, bien que les traditions anciennes ne soient, hélas ! que trop vivaces encore[2]. »

L’opinion n’est pas accoutumée au voisinage des mots de diplomate et de travail. Elle se représente un ambassadeur sous la forme d’un haut personnage un peu fatigué et très solennel, presque entièrement absorbé par des soucis volontiers considérés comme puérils et de cérémonieuses obligations. Elle ne voit dans les sociétaires d’ambassade que des hommes élégants et frivoles, dédaigneux et présomptueux, n’interrompant guère leurs doux loisirs et leurs calculs d’ambition et

  1. Émile Olivier, L’Empire libéral, III, p 118.
  2. J. Novicow, La fédération de l’Europe, 2e édition, 1901, p. 451.