Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/500

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solues étaient en contradiction avec les principes de la liberté des mers auxquels les autres peuples lancés dans les entreprises coloniales avaient besoin de tendre. Les Hollandais les premiers firent valoir leurs droits et Grotius écrivit pour eux, en 1609, son magistral Mare liberum. Ils rencontrèrent l’opposition des Anglais et Cromwell promulgua en 1651 l’Acte de navigation, qui fut cause d’une guerre où les Hollandais durent se soumettre. À la demande des Anglais, Seldon réfuta en 1635 l’ouvrage de Grotius et édita son Mare clausum. De leur côté les Danois essayèrent de s’approprier la maîtrise des détroits qui donnent accès à la mer Baltique (Grand Belt, Petit Belt, Sund) et parvinrent, après bien des guerres, à se faire payer par les Hollandais et les Suédois une redevance pour le passage de ces détroits. Louis XIV, après la paix de Nimègue, qui lui avait donné la suprématie sur terre, sentit le besoin de développer les forces maritimes du royaume. Il fit codifier les coutumes de la mer sous le titre de Consulat de la mer (1681), qui acquit une grande autorité dans toute l’Europe, même en Angleterre. Contre ce pays Louis XIV soutint le principe de la liberté des mers en refusant de laisser donner à la Manche le nom de Canal britannique. Ainsi l’Angleterre lutte depuis des siècles pour la maîtrise de la mer. Elle a d’abord vaincu sa rivale la Hollande ; puis elle s’est attaquée à la France. De 1638 à 1815 il y eut 7 grandes guerres qui furent pour l’Angleterre des guerres d’affaires, visant à la destruction des forces navales et coloniales de la France. Après Trafalgar, l’Angleterre devint la maîtresse des mers, se contentant toutefois de ce titre honorifique et partageant sa domination avec tous les autres pays. Au XXme siècle, l’Allemagne déclara subitement que le titre de « maîtresse des mers » doit être à elle et elle formula des prétentions exorbitantes dont les bases sont bien connues, notamment : 1. La Baltique doit être une mer allemande. 2. La Méditerranée doit passer sous le contrôle exclusif de l’Allemagne. 3. La mer du Nord, avec l’embouchure des grands fleuves allemands, l’Elbe et le Rhin, doit servir de base à la puissance navale allemande. Pour développer ce programme, l’Allemagne devait consolider sa domination dans la mer Baltique et la mer du Nord, s’emparer de la Hollande, de la Belgique, du littoral français, de l’Artois et de la Picardie ; se répandre ensuite par l’Adriatique dans la Méditerranée orientale, l’Archipel et en Asie Mineure jusqu’au golfe Persique. La réalisation de ce plan grandiose commença en 1890 par la construction de deux cuirassés ne jaugeant que quatre mille tonnes, mais déjà en 1913, le tonnage militaire allemand s’élevait à 624 mille tonnes, représenté par 30 cuirassés, 12 croiseurs-cuirassés. En 23 ans, l’Allemagne avait multiplié son tonnage militaire par 80. Parallèlement, les diplomates allemands ne cessaient de proclamer que l’Allemagne ne devait reculer devant aucun sacrifice pour créer les forces navales nécessaires