Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/513

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qui viennent ainsi constamment influencer, déterminer, orienter, commander leur vie à l’intérieur de leurs frontières nationales, nous voyons un deuxième groupe de faits pour fonder l’internationalisme.

c) Mais si, de concentration en concentration, la vie du monde a pu venir se mettre à la disposition de quelques groupes de forces ; si ceux-ci une fois constitués ont pu à leur tour exercer une action façonnante sur tous les groupes de forces secondaires dont ils sont formés, c’est que les éléments fondamentaux ultimes des sociétés humaines sont désormais soumis eux-mêmes, dans leur action et réaction, à des conditions qui n’ont pas leur précédent dans le passé. La vie sociale devenue de plus en plus intense et plus ample a rompu tes anciens cadres qui la contenaient. De locale elle est devenue régionale, puis nationale, et maintenant elle se veut et se qualifie universelle. Les États ont tous dû compter avec ce fait. Ils ont dû ou reconnaître ou créer eux-mêmes et entre eux des structures correspondant à ces besoins nouveaux. Ces structures ensuite n’ont pas tardé à se développer pour elles-mêmes, sans souci de telle ou telle nation particulière, souvent en opposition avec elles ; le mouvement qui les a produites était arrivé à un haut degré de développement à la veille de la guerre. C’est là un troisième groupe de faits entrant dans l’internationalisme.

d) Cette organisation fragmentaire de la vie internationale n’a pas seulement une valeur en soi. Subitement elle vient d’en acquérir une immense pour le problème que pose la guerre. Car l’esprit, l’objectif, le type qu’elle a créés prennent à la clarté des événements une signification d’idéals de modèles, d’aspirations. On entrevoit qu’à l’antagonisme des forces actuellement aux prises pourrait être substituée une harmonie supérieure ; que l’humanité, après avoir résolu dissous, absorbé les oppositions secondaires, jusqu’à ne plus comprendre que quelques centres de forces, pourra un jour s’ordonner en une seule unité supérieure. Cela, c’est-à-dire les tentatives déjà faites et les possibilités futures d’organisation d’ensemble des relations mondiales, c’est le quatrième groupe de faits dont s’occupe l’internationalisme,

Les études relatives à l’internationalisme ne reposent donc pas sur le vague, l’inexistant, sur le devenir chanceux ou le meilleur être utopique. Elles ne sont que l’observation et l’explication de la réalité en trois de leurs parties : la formation des grands groupements d’État, les influences de ces groupements sur la vie des États particuliers, l’organisation déjà donnée à la vie internationale ; quant à la quatrième partie, l’instauration d’une Société des nations comme solution au problème de l’anarchie actuelle, l’étude au moins des conditions de ce problème est une passionnante réalité, si le caractère de réalité ne peut encore être donné à la solution elle-même.