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ÉLÉMENTS INTELLECTUELS

obligée de présenter en de courts cablogrammes les données très complexes des grandes négociations politiques et économiques. Il y a eu là un autre effort trop méconnu.

6. Le style peut être élevé tout en restant accessible : qualité rare. Les Français ne croient pas qu’il y ait matière si difficile qui ne puisse être présentée au public dans une forme facile, familière et courante. La clarté française.

224.3 L’Exposition, les Exposés.

1. Notions. — Tout document est un exposé de données, faits et idées. Cet exposé est plus ou moins bien ordonné, clairement formulé, fortement stylé. Le progrès est toujours possible dans une présentation plus lucide, une coordination plus exacte, un équilibre plus harmonieux des données doctrinales. Il l’est aussi dans une description plus adéquate des éléments.

« Il y a des gens, dit Pascal, qui voudraient qu’un auteur ne parlât jamais de choses dont les autres ont parlé ; autrement on l’accuse de ne rien dire de nouveau. Mais si les matières qu’il traite ne sont pas nouvelles, la disposition en est nouvelle. Quand on joue à la paume, c’est une même balle dont jouent l’un et l’autre ; mais l’un la place mieux. J’aimerais autant qu’on l’accusât de se servir de mots anciens : comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours, par une disposition différente ; aussi bien que les mêmes mots forment d’autres pensées par de différentes dispositions.

2. Des genres d’œuvres. — Il y a trois grands genres d’œuvres : a) le genre didactique, où l’on se contente d’exposer les principes des arts et des sciences ; b) le genre philosophique, où on démontre ces principes ; c) la critique où on en fait l’application aux arts et aux ouvrages existants.

a) Genre didactique. — On appelle didactique, tout ouvrage qui a pour objet principal et essentiel d’instruire. Le terme indique les compositions où l’on se borne à enseigner les principes des arts et des sciences à ceux qui sont censés les ignorer. Les qualités sont l’exactitude et la concision.

b) Genre philosophique. — On appelle philosophique tout ouvrage qui tend à exposer et à démontrer les principes des sciences. Toute démonstration logique consiste à déduire une ou plusieurs conclusions certaines d’une vérité connue (syllogisme, enthymème, dilemme). Dans toute démonstration il s’agit avant tout de poser nettement l’état de la question, c’est-à-dire de faire connaître ce que l’on suppose certain et ce que l’on prétend démontrer. Cet exposé doit se faire d’une manière rigoureuse et par des définitions logiques. Bien établir la question et ne jamais s’en écarter, définir exactement les termes et leur conserver partout la même acceptation : telle est la première règle de toute discussion.

Une œuvre philosophique doit présenter un raisonnement suivi et complet. L’ensemble ou du moins chaque partie instable de l’ouvrage peut se résumer en un syllogisme général dont la conclusion forme la proposition de cette partie, et dont les prémisses sont développées et prouvées à leur tour par d’autres syllogismes qui se subordonnent et s’enchaînent les uns aux autres jusqu’à la démonstration complète. La démonstration d’une de ces prémisses, pour être claire et distincte, exige souvent qu’on l’entreprenne par parties, c’est-à-dire qu’on établisse des divisions : c’est particulièrement dans ce cas que la forme sèche et nue du raisonnement peut ou doit apparaître en tête de l’ouvrage, afin de projeter sa lumineuse clarté jusque dans les profondeurs les plus reculées du raisonnement. Une logique rigoureuse doit lier toutes les parties d’un ouvrage et dessiner clairement les divisions. Établies sur ce principe, les divisions seront aisément complètes sans rentrer les unes dans les autres, exactes sans excéder les limites du sujet. Ces limites sont déterminées par la proportion générale de l’ouvrage.

(R. P. Broeckaert.)

Il y a deux méthodes de démonstration. a) La méthode synthétique : elle suppose de la part de celui qui écrit une connaissance préalablement complète du sujet où il n’a plus rien à se démontrer à lui-même, rien à rechercher. Ce qu’il possède, il le compose (sun, tithêmi), en fait un édifice régulier où l’idée simple et générale forme la base, où ensuite l’idée particulière et concrète forme les détails et les accessoires. b) La méthode analytique (ana-luo) est le procédé de celui qui est à la recherche de la vérité : il faut qu’il décompose (analyse) son sujet, qu’il en détaille les objets particuliers, qu’il les examine et les rapporte les uns aux autres, qu’il en déduise enfin l’idée simple, générale, abstraite. Le principe ainsi trouvé par l’analyse devient la base de la synthèse.

c) Genre critique. — On appelle critique l’œuvre qui tend à juger une autre œuvre et à examiner comment elle répond ou non à des principes posés en critères (Voir no 274.)

L’exposé peut être 1o une présentation des faits, 2o un jugement des faits. 3o une défense ou une attaque.

La documentation peut revêtir la forme objective, commentée et à dialectique serrée ou la forme pamphlétaire adoptée par les critiques d’un état de chose donné ou par les protagonistes des innovations.

3. Degrés divers dans l’exposé. — L’exposé d’une même question, notion, science, peut être fait selon des degrés divers.

a) Le premier ordre de degré est relatif à la longueur de l’exposé. Celui-ci, au point de vue idéologique, est proportionnel au caractère général ou détaillé de l’idée ; au point de vue littéraire, il dépend du caractère implicite ou explicite, délayé ou concis de l’expression ; au point de vue documentaire, il dépend de l’extension matérielle du document.