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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

une érudition mesquine, étroite, sans portée, à la mesure des esprits byzantins, pour qui des discussions puériles tenaient lieu de vie intellectuelle. Toutefois la Bibliothèque, composée au IXe siècle par le patriarche Photius, reste un modèle. C’est l’analyse de 280 ouvrages de poésie, d’éloquence, de théologie, de philosophie et de linguistique : extraits et jugements. Le recueil de Sindas (XIe siècle) à la fois lexique, encyclopédique et biographique, est une compilation sans méthode.

d) L’Érudition moderne naquit en Occident, peu de temps avant que la prise de Constantinople par les Turcs ait fait émigrer en Italie les savants et les lettrés. Ils ont nom de Chrysoloras, Bessarion, Théodore Gaza, Lascaris, George de Trebizonde, Philelphe, Pogge, Ange Folitien.

e) Puis vint la découverte et les progrès de l’imprimerie. Le travail des érudits consista à retrouver, à publier et à réparer les débris des lettres et des sciences anciennes, gâtées en tant d’endroits par l’ignorance des esprits. Beaucoup de ces hommes furent les premiers comme imprimeurs (Alde Manuce). Les vastes et précieux répertoires intitulés : « Trésor de la Langue latine » et « Trésor de la Langue grecque ». Érasme, Scaliger, Casaubon, Guillaume Budé, créateur de la Bibliothèque de Fontainebleau, berceau de la Nationale et créateur des chaires libres de latin, de grec et d’hébreu, origine du Collège de France. — Juste Lipse, Montaigne, Rabelais.

f) Au XVIIe siècle, l’emploi des formules et des citations, l’appareil pédant qui ne disparut que graduellement (Molière, qui crée le type de Vadius dont l’original était Ménage).

La véritable érudition étend son domaine : André Duchesne crée l’historique de France ; les frères de Sainte Marthe firent fonder la Gallia Christiana, continuée par Haureau. Philippe Labbe publie la Collection des Conciles, Baluze les capitulaires rois de France, le Père Menetrier fonda la science héraldique, les Augustins avec le P. Anselme étudient les généalogies des Rois de France, les Bollandistes commentent les Acta Sanctorum. Les Bénédictins préparent de grands travaux historiques et littéraires, avec Jean Mabillon, et son Traité de la diplomatie discernant les vrais des faux diplômes ; Richard Simon fait une première exégèse de l’Ancien Testament.

Édition de « Nouveaux instruments utiles aux linguistes, aux littérateurs, aux historiens » de Elzevir, celle ad Useum Delphini, la collection des Variorum ; la Byzantine du Louvre, la Bibliothèque des Pères, les Bibles polyglottes. Du Cange publie ses Glossaires du latin et du grec du moyen âge, Heinsius écrit sur les poètes latins, les Vossius sur les historiens de l’Antiquité. Graevius publie son Thésaurus des antiquités romaines et Gronovius celui des antiquités grecques.

g) À la fin du XVIIe siècle commencent à être publiés, sous forme de dictionnaires, des ouvrages pour vulgariser certaines parties de l’érudition : le Grand Dictionnaire de Moreri (1674), le Dictionnaire historique et Critique de Bayle (1695), continué par Chaufepié et Prosper Marchand. Montfaucon enseigne la Paléographie Grecque Dans son Antiquité expliquée, il donne un résumé complet des connaissances alors acquises en archéologie grecque, latine juive, gauloise. Don Rivet aidé de ses confrères de la Congrégation de Saint-Maur, entreprend l’Histoire littéraire de la France. En France, l’Académie des Inscriptions s’ouvre aux érudits. Fabricius, Burmann, Brunck, Ernesti, Heyne, Reiske, Wolf. Schneider, Muratori, etc., enrichissent par d’incessantes recherches, par des publications de plus en plus parfaites, le trésor de l’Érudition.

h) Au XIXe siècle les travaux sont continués sous l’impulsion de la force acquise et par le génie d’hommes aux larges vues d’ensemble. Les progrès réalisés par l’Allemagne, la France, l’Angleterre, l’Italie en philologie, en exégèse, en histoire. Publication du Magasin encyclopédique de Millin. Les hiéroglyphes sont déchiffrés par Champollion, progrès dans la possession des langues et des littératures orientales (Sylvestre de Sacy, Chezy, Abel de Remusat, E. Quatremère, Eugène Burnouf, etc.) L’érudition possède les signes graphiques, les grammaires, les traductions d’œuvres littéraires, philosophiques ou sacrées, propres à faire pénétrer dans le génie des civilisations lointaines. L’étude historique et archéologique se poursuit. De grandes collections d’auteurs grecs et latins, du moyen âge, sont réédités ; les documents et mémoires sur l’histoire se multiplient. La critique s’organise sur des bases de plus en plus sévères et opère une revision dans tous les domaines. Aidée des découvertes archéologiques, les fouilles notamment, elle donne à l’histoire une base solide qui la rapproche des sciences exactes. Les travaux de linguistique conduisent à la philologie comparée. Les croyances et les religions sont elles-mêmes soumises à un examen serré.

6. Extension de la Materia Bibliologia.

a) La matière littéraire s’étend toujours. L’exotisme a pénétré toutes les littératures nationales. On va maintenant jusqu’aux littératures indigènes. Après l’art nègre, au tour de la littérature nègre. Depuis quelques années, l’Institut international des langues et civilisations africaines a organisé parmi les africains de toute race des concours de littérature dans leur propre langage. Ces compositions ont été traduites (André Remaison : Draeh, le livre de la Sagesse noire, orné de nègreries, par Pierre Courtois, Paris, Édition d’Art H. Piazza).

Il y a aussi un immense bavardage, caquetage, coassement.

b) En art, en critique, en littérature, en poésie, en psychologie, il n’y a pas, il ne doit pas y avoir de sujet réservé. Aucun domaine ne doit rester inexploré aux investigations de l’esprit et de la création humaine.

c) Les sujets traités ou pouvant être traités sont innombrables, comme les éléments qui constituent le monde