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SUBSTITUTS DU LIVRE

réalité qui est l’homme, le sentiment de l’homme. Par exemple, toutes les productions de l’art, interprètes de symboles et d’allégories, la peinture, la sculpture, l’art des vitraux, des tapisseries, des vases, l’architecture même en un certain sens. La cathédrale du moyen âge fut appelée le Livre du Peuple qui pouvait voir et ne savait pas lire. Dans les œuvres d’art sont incorporées des données intellectuelles et les œuvres d’art donnent lieu à des reproductions. Par ces deux côtés, les œuvres d’art sont rattachées à la documentation, puisque les documents se définissent incorporation de données susceptibles de reproduction.

b) Les œuvres d’art intéressent la documentation sous plusieurs aspects : 1° la notion de représentation visuelle des objets, des idées et des sentiments ; 2° la mise en œuvre du dessin et de la couleur ; 3° l’idée de beauté, animatrice et directrice de la production des œuvres et qui comme elle inspire aussi les œuvres littéraires ; 4° la littérature considérable à laquelle a donné lieu l’art, sa théorie, sa pratique, ses œuvres, sa critique et son histoire ; 5° le parallélisme historique dans le développement des lettres et des arts, tous deux également effets et facteurs de la culture ; 6° la reproduction des œuvres sous les formes matérielles du document ; 7° la place énorme que l’art a pris dans la documentation de tout sujet et réciproquement celle des méthodes de la documentation appliquées aux œuvres d’art.

c) La langue du peintre n’est pas la même que la langue du poète. Le peintre n’a pas besoin de traducteur. La toile, pour être comprise, n’exige aucun truchement. Le peintre s’adresse au public national ou étranger, directement sans intermédiaire. Il travaille pour le monde entier. De là les influences immédiates de l’art pictural.

Les œuvres sculptées aussi ont un caractère hautement documentaire, outre leur caractère artistique. Ainsi les Prophètes, les Vices du portail de la cathédrale d’Amiens, les bas-reliefs des porches de Notre-Dame de Chartres, les œuvres sculpturales de tant d’autres cathédrales constituent l’interprétation en pierre de conceptions bien définies.[1]

Il nous est parvenu quelques 25,000 vases grecs. C’est un riche répertoire documentaire plus sûr que les textes. Il nous donne une idée de la grande peinture dont les originaux sont irrémédiablement perdus. Articles industriels, ces vases se prêtent à un classement géographique et chronologique infiniment mieux que les vestiges de la statuaire.

d) Collections. — Les œuvres d’art sont réunies en des collections publiques ou privées (musées, galeries, Pinacothèques, Glyptothèques). Les plus célèbres sont, en France, celles du Louvre et de Versailles ; à Rome, celles du Vatican et du Palais Farnèse, celles de Florence, de Dresde ; les deux Pinacothèques (ancienne et nouvelle) de Munich ; les musées de Leningrad, Amsterdam, Bruxelles et les musées du Nouveau monde, entr’autres ceux de New-York, Boston, Chicago, Philadelphie, etc. Les collections de tableaux et de sculptures font l’objet de la Muséographie.

e) Reproduction. — Les œuvres d’art sont produites en original, elles peuvent donner lieu ensuite à des reproductions, soit plastiques, soit graphiques.

Les moulages des productions de l’art statuaire sont en plâtre, staff, ciment, carton-pierre, etc. Il existe des musées de moulage.

Les procédés graphiques sont ceux de l’imprimerie. L’exactitude étant la qualité maîtresse requise, les éditions se succèdent avec le but notamment d’un perfectionnement que l’on peut suivre tel à travers les divers ouvrages effectués. Par les procédés de reproduction, les œuvres de peinture et de sculpture se sont multipliées immensément. Au début, on a procédé à la reproduction d’œuvres originales préexistantes ; on voit maintenant des créations picturales et sculpturales avoir comme but premier et dernier la reproduction mécanique. On pourrait aujourd’hui réaliser une série de copies en plâtre ou sur toile en couleurs, grandeur naturelle, de toutes les œuvres de peinture et de sculpture, de toutes les nations, de tous les temps et ce dans des buts de documentation. Ces copies serviraient soit à des expositions itinérantes, soit aux collections permanentes. Quelque jour, les progrès du moulage, de l’imprimerie et des presses permettront de réaliser la multiplication des tableaux à grande échelle comme déjà à l’inverse sont obtenues les copies en réduction. Un Musée universel d’art par la reproduction, présentant dans un ordre classé l’ensemble des œuvres magistrales, est un desideratum.

f) La catalographie des œuvres d’art a été largement réalisée, ainsi que la bibliographie des ouvrages traitant des œuvres d’art et de leurs reproductions graphiques.

g) Les notes ou croquis des artistes dessinateurs, peintres, sculpteurs, constituent pour eux une documentation personnelle de premier ordre. Esquissées en quelques secondes sur nature, elles leur servent ensuite dans les reconstitutions. Il faut pour cela observer toujours, et, écrivait Léonard de Vinci, « dessiner sur le champ ce que vous aurez remarqué ; il faut pour cela avoir toujours avec vous un carnet de poche, car ces recueils d’études sur nature doivent être conservés avec grand soin pour servir à l’occasion ; la mémoire ne suffisant pas, c’est un magasin de documents que vous amassez pour y puiser au besoin ». La méthode documentaire trouve à s’appliquer ici : format, collection, classement, catalogue.

  1. Winkelman, L’art chez les Anciens. — Émeric, David, Recherches sur l’art statuaire. — Blanc. Ch., Grammaire des arts du dessin.