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BIBLIOTHÈQUES. COLLECTIONS

La Bibliothèque publique est un organe collectif qui a pour but de socialiser la lecture et d’en faire un service public de l’ordre intellectuel et éducatif. Au lieu d’obliger chacun à se procurer individuellement des livres et à les lire chez lui, la bibliothèque réunit des collections mises à la disposition de tous et pouvant être consultées et lues dans des salles communes.

La Bibliothèque moderne s’est transformée. Elle était une force passive, une énergie latente, un simple potentiel d’énergie. Elle est devenue une force active pour la communauté, une énergie déclenchée. Elle est au premier chef, un organisme social.

La Bibliothèque publique est le véritable organisme social qui doit faire naître et développer l’intérêt du public pour les choses de l’esprit. Petites ou grandes, toutes les bibliothèques devraient aider à la diffusion de la pensée et du progrès intellectuel placé à la base de la vie, de l’industrie et de la collectivité.

L’expérience prouve que ce ne sont pas les lecteurs qui manquent mais les bibliothèques qui ne sont pas adaptées aux lecteurs.

La Bibliothèque est un « laboratoire », c’est le laboratoire ou atelier intellectuel outillé et agencé à cette fin. Carlyle a dit : « La véritable université, à notre époque, est une collection de livres. »

262.12 Histoire des Bibliothèques.

a) L’histoire des bibliothèques peut se diviser en quatre périodes : 1° dans les temps anciens (Égypte, Assyrie, Rome) ; 2° au moyen âge : l’œuvre des moines ; 3° au temps moderne ; 4° à l’époque actuelle (bibliothèques, en Amérique).[1]

Les plus anciennes bibliothèques en Égypte et en Mésopotamie ont été les archives des rois et celles des Temples. On n’y retrouve preuve de lecture publique. Même en Grèce où toutes les formes de littérature ont été développées au plus haut point, et où l’habileté à lire et à écrire a été presque générale, beaucoup plus de personnes écoutaient les discours, les pièces de théâtre et la poésie qu’il n’en était qui lisaient.

On pense que c’est Assurbanipal (568-628 av. J. C.), petit-fils de Sennacherib, qui, le premier, fit une collection d’œuvres littéraires et l’aménagea de manière à pouvoir s’en servir. Les débris de cette bibliothèque forment une masse assez considérable pour que leur contenu comprenne dans le format des livres modernes, plus de cinq cents volumes de cinq cents pages, in-4o.

Il y a eu des bibliothèques en Chaldée, en Perse, en Égypte (Osymandias) et leur origine remonte jusqu’au 3e millénaire. Les bibliothèques étaient alors logées dans les temples et avaient un caractère religieux, Athènes (Pisistrate), Bibliothèque d’Alexandrie (700,000 volumes) et de Pergame. Au IVe siècle, sous les empereurs, il y avait 29 bibliothèques à Rome. (Les immenses collections qui existaient à Rome dans le Temple de la Paix).

La chute de l’Empire romain amena la destruction des bibliothèques. Au moyen âge, les bibliothèques se reconstituent lentement dans les monastères et les écoles épiscopales. La fondation des Universités entraîna celle des Bibliothèques (la Sorbonne). À la Renaissance un grand développement se produisit grâce à la protection des rois et des princes amis des lettres. La révolution nationalisa les bibliothèques (Bibliothèque Nationale). Les temps modernes créèrent la Bibliothèque Publique, dont le type le plus accompli a été réalise dans les États-Unis et l’Angleterre.

Les bibliothèques chrétiennes du moyen âge étaient principalement consacrées à des livres religieux. Quand l’Église devint proéminente au point de vue temporel aussi bien que spirituel, les églises et les monastères devinrent des centres d’études laïques.

Dans les pays neufs comme les États-Unis, les bibliothèques ont été créées pour l’instruction et la documentation de chacun. Les bibliothèques les plus importantes se trouvent là où il y a le plus de population agglomérée. En France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Belgique, en Hollande, au contraire, les bibliothèques sont de dates anciennes, elles sont encore des salles de musées de livres précieux ou curieux, fréquentées moins par le grand public que par des érudits. L’idée de la bibliothèque pour tous y est récente et n’a pris pied que peu À peu. C’est beaucoup plus le hasard qu’une pensée réfléchie qui a présidé à son développement.

b) Des facteurs externes ont agi.

L’évolution de la Bibliothèque s’est faite parallèlement à celle du Livre, de l’Instruction et de la Culture intellectuelle. Mais son développement a influencé directement l’état général de la mentalité publique et de la recherche scientifique.

La constitution et la disposition intérieure des bibliothèques ont toutes une évolution influencée par le nombre croissant des Livres existants et des lecteurs, obligeant à des modes de plus en plus resserrés d’emmagasinement, tout en permettant l’accès facile des livres.

Les anciens papyrus étaient disposés dans des casiers ; les manuscrits du moyen âge dans des coffres. Plus tard on dispose les volumes (grands in-folio) sur des pupitres et on les y enchaîne. Puis les livres, rendus à la liberté,

  1. Sur l’histoire des bibliothèques, consulter :

    Lipsius, Justin : Histoire abrégée des Bibliothèques. Anvers. 2e éd. 1607. — Savage, Ernest Albert : Old English Libraries. Hessels, Alfred : Geschichte der Bibliotheken. Göttingen, Hochschulverlag, 1925. — Van Hœsen et Walter : Bibliography, p. 406. — Les articles généraux sur les bibliothèques dans les encyclopédies comme l’Americana, la Britannica, Meyer, Larousse, etc. — Consulter aussi les traités généraux de Grœsel, Greenwood, Edwards, Spofford.