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ANALYSE DES CARACTÉRISTIQUES


pygmée, orgueilleux ou modeste, entreprenant ou timide, sachant prendre toutes les formes et tous les rôles, capable tour à tour d’éclairer ou de pervertir les esprits, d’émouvoir les passions ou de les apaiser, artisan de factions ou conciliateur de partis, véritable Protée qu’aucune définition ne peut saisir, c’est le Livre. (Egger.)

L’Humanité est un homme qui vit toujours et qui apprend sans cesse. (Pascal.)

In Bibliothecis loquuntur defunctorum immortales animæ. (Plinius senior.)

Nullus esse librum tam malum ut non aliqua parte prodesset. (Plinius senior.)

Libri muti magistri sunt. (Aulus Gellius.)

212 Analyse des caractéristiques du Livre et du Document.

Du nombre immense des livres particuliers existants, on dégage par analogie la notion du livre en général.

Il en est du livre comme des machines. Dans les premiers temps, chaque machine était considérée comme un tout, composé de parties qui lui étaient propres. À de rares exceptions près, les yeux de l’esprit ne distinguaient pas encore, dans les machines, le groupe de précision que nous désignons aujourd’hui sous le nom de mécanisme. Une machine était un moulin, un brocard était un procédé et pas autre chose. C’est qu’en réalité, il faut que la pensée sur un sujet donné ait déjà fait bien des progrès pour être à même de distinguer ce qu’il y a de général dans ce qui est propre à ce sujet : c’est la première distinction entre la pensée scientifique et la pensée ordinaire. (Reuleaux. Cinématique, p. 11.)

Il faut envisager les caractéristiques du livre à la manière dont le naturaliste considère les espèces animales, végétales et minérales. La conception d’un type général et abstrait, le livre, s’en dégage à la manière dont la Zoologie, la Botanique, la Minéralogie, conçoivent l’animal parallèlement aux animaux, la plante parallèlement aux plantes, le minéral parallèlement aux minéraux. Il y a lieu d’examiner successivement :

1o Les éléments constitutifs du livre ou document ;

2o Ses diverses parties et leur structure ;

3o Les espèces ou familles d’ouvrages.

L’examen de ces données a sa raison d’être en soi et à toute fin. Il sert aussi de base aux opérations de collationnement, de bibliographie, de catalogue et de classement et leur donne un fondement scientifique et rationnel.

La détermination des caractéristiques d’un livre est indispensable pour le reconnaître et l’identifier. Cette détermination individuelle ne saurait se faire qu’en fonction des caractéristiques générales.

212.1 Caractéristiques générales.

Le livre peut être envisagé au point de vue des caractéristiques suivantes :

1o La Vérité (le vrai) ; 2o La Beauté (le beau) ; 3o La Moralité (le bien) ; 4o L’Originalité ; 5o La Clarté (compréhensibilité) ; 6o La Valeur économique (commercialité) ; 7o La Nouveauté.

Les documents ont en commun avec la parole de pouvoir ne pas exprimer la vérité. Ils ont en plus d’elle la possibilité de se présenter sous des dehors fallacieux, fausses attributions aux auteurs erronés ou pseudonymes, fausses dates, fausses indications d’éditeur, d’imprimeur, d’édition, etc. L’erreur volontaire, le mensonge volontaire peut être le fait de l’auteur. La propagation des documents apocryphes, trouvés ou défigurés, la diffusion intentionnelle d’informations mensongères peut être le fait de tiers. L’une et l’autre sont de nature à causer un dommage à la Vérité en soi, et aux personnes, physiques ou morales dont elles viendraient à diminuer la situation.

La nouveauté entraîne toute la documentation comme elle entraîne toute la vie contemporaine. Le journal, la T. S. F., le film, luttent de vitesse pour procurer au public insatiable le maximum d’informations dans le minimum de temps.

212.2 Qualités et défauts des livres.

Les qualités d’un livre-document répondent aux trois critères supérieurs : vrai, beau, bon. On dira par exemple un vrai et un faux bilan, les fausses Décrétales : la bonne presse, les beaux livres.

Dans un ensemble de livres, les variations individuelles oscillent autour d’une moyenne (fluctuations). Un grand nombre ont une valeur moyenne ; sont peu nombreux les réels mauvais livres, très rares les livres supérieurs. Dans un diagramme ou statistique on retrouve la courbe dite en cloche ou de fréquence (Polygone de Quetelet).

Les défauts d’un livre sont : Erreur ; lourdeur, désordre dans l’exposé ; confusion de l’essentiel et de l’accessoire ; lacunes, arriéré.

212.3 Le livre, capital et outil.

Le livre est un capital d’idées qui s’amasse et se tient en réserve. L’homme accumule les idées et les faits comme il accumule les produits.

Le livre est une arme, un outil.

« Martin Luther, qu’on juge mal parce qu’on s’obstine à le considérer comme un théologien, fut surtout un patriote allemand, le plus grand idéologue contesté de ce pays. Il manie le pamphlet au lieu du cimeterre, mais il sait l’art d’armer les nobles contre les clercs. »

(Péladan.)
212.4 Unité, multiples et sous-multiples.

L’unité physique, matière du document, est marquée soit par la continuité matérielle de sa surface (ex. : la surface d’une lettre, d’un journal), soit par un lien maté-