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ÉLÉMENTS GRAPHIQUES

constitue que le quart du poids des encres employées. Les huiles minérales et huiles de lin composent également un quart du poids total, tandis que pour le reste, ce sont les résines, les dissolvants comme la benzine, le benzol, etc., qui complètent le volume.

Les fabriques d’encres d’imprimerie sont les plus nombreuses à proximité des grandes agglomérations. Berlin, la Saxe et le Hanovre accaparent ensemble 60 % de la production totale de l’Allemagne. La Saxe vend annuellement pour 12.5 millions de marks d’encres ; Berlin pour 7.5 millions et le Hanovre pour 9.7 millions.

222.143 SPÉCIALISTES DE L’ÉCRITURE.

Primitivement, et pendant longtemps, le fait de savoir écrire était la spécialité de quelques hommes. Dans l’antiquité, les écriveurs étaient des esclaves. On a connu un temps au moyen âge où cette formule était d’usage dans les actes : « Et attendu sa qualité de gentilhomme, a déclaré ne savoir écrire ». Le grand cachet de cire, empreinte ou sigle, par la poignée de l’épée, remplaçait alors la signature. Les clercs avaient le privilège du savoir et de l’écriture aussi. Au XIVe siècle, on connut les corporations d’écrivains ; elles étaient privilégiées ; elles comprenaient les peintures et les enluminures ; il y a eu des écrivains jurés, des écrivains publics. Peu à peu, le lire et l’écrire s’étendirent jusqu’aux temps modernes, où l’instruction devint obligatoire et où des campagnes énergiques, comme en Russie et en Orient, s’entreprirent contre l’analphabétisme.

Il y avait au moyen âge les chrysographes ou écrivains en or, les tachygraphes qui écrivaient avec rapidité et les calligraphes qui écrivaient à main posée.

Dans les pays d’occident, il n’y a donc plus d’écrivains publics, bien que le service d’écrire pour autrui s’y continue encore. Il n’y a plus que des écrivains tout court et des « écriveurs ». On définit les écrivains, des hommes qui composent des livres, des écrits destinés à la publicité, des hommes qui écrivent avec art et avec goût ; « écrivailleur » se dit de qui écrit, mais sans grand intérêt, et « écrivassier », de qui a la démangeaison d’écrire.

222.15 Écriture à la main ou à la machine.

L’écriture se fait : 1o à la main (calligraphie) ; 2o à la machine à écrire (dactylographie) ; 3o par des procédés typographiques : xylographie, caractères fondus se composant à la main ; composition typographique à la machine.

222.151 LA CALLIGRAPHIE. ÉCRITURE À LA MAIN.

1. L’écriture à la main est, quant au tracé des lettres, tout un art. La belle écriture, l’art de ceux qui ont une belle écriture se dit la calligraphie.

Autrefois, comme chez les Orientaux encore aujourd’hui, la calligraphie indiquait un art plus relevé.

Les Chinois, les Arabes, les Turcs, les Indiens, les Persans ont porté très haut le goût de la calligraphie. Ils tiennent en grand honneur l’art de peindre l’écriture, d’en tracer les caractères avec un degré particulier d’élégance. Le calligraphe n’y est pas placé beaucoup au-dessous de l’écrivain qui compose un ouvrage d’un beau style.

2. Enluminures. — Les manuscrits qui nous restent sont les témoins de la grandeur et de la décadence de l’enluminure. Longtemps l’Orient conserva le goût et le secret de la peinture appliquée à la décoration des livres. En Occident, l’invasion des Barbares porta à l’art calligraphique, comme à tous les arts, un coup mortel. À partir du XIVe siècle, le goût se rétablit. Les dernières années du XVe et les premières du XVIe siècle virent éclore sous le pinceau des miniaturistes des productions exquises, particulièrement dans les ouvrages liturgiques. Elles allèrent à si haut prix que les princes seuls purent s’en procurer la jouissance. Bientôt après la typographie et la gravure les proscrivent.

3. Calligraphie. — Il y a des exemples modernes et les traditions de la belle écriture se conservent chez quelques-uns.[1]

Léon Bloy un jour de misère, proposa au comte Robertde Montesquiou Fezensac, poète et descendant d’une illustre famille française, de « transcrire lui-même son livre — La Chauve-Souris — sur un vélin fastueux, en écriture divine de moine carolingien, et d’orner chaque page d’exfoliations extraordinaires. » Il ajoutait « me voilà prêt à vous donner un an de ma vie épouvantable, à faire pour vous un chef-d’œuvre, si vous voulez me sauver, car je péris absolument. « Le poète, bien qu’immensément riche et d’une prodigalité vaniteuse, refusa.

4. Le chef-d’œuvre calligraphique a souvent consisté en certaines acrobaties et prouesses scripturaires. Ainsi, le fait d’écrire microscopiquement. Aelien parle d’un homme qui, après avoir écrit un distique en lettres d’or pouvait le renfermer dans l’écorce d’un grain de blé, un autre traçant des vers d’Homère sur un grain de millet. Cicéron rapporte avoir vu l’Iliade écrite sur parchemin pouvant se renfermer dans une coquille de noix. Il y a loin de ces œuvres de patience aux manuscrits latins du IVe siècle dont les caractères avaient une si grande dimension que Saint Jérôme les appelait des fardeaux écrits.

D’autre part des calligraphes se sont ingéniés à tracer des figures de personnes ou d’objets à l’aide de fines lignes d’écriture.

  1. Développement des maîtres calligraphes anglais du commencement des premiers scriptoria monastiques du moyen âge à la domination de l’écriture commerciale du XIXe siècle. The english writing-masters and their Copying Book 1570-1800. A biographical dictionary and a Bibliography by Ambroise Hesh with an introduction on the development of Handwriting by Stanley Morisson. Cambrigde-Universty Press, 1931.