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les métamorphoses


LIVRE QUATRIÈME


ARGUMENT. — I. Alcithoé et ses sœurs s’obstinent à mépriser le culte de Bacchus ; Pyrame et Thisbé. — Amours de Mars et de Vénus, d’Apollon et de Leucothoé, de Salmacis et d’Hermaphrodite. Les filles de Minée changées en chauves-souris, et leurs toiles en vignes et en pampres. — II. Ino et Mélicerte métamorphosés en dieux marins, et leurs compagnes en rochers et en oiseaux. — III. Métamorphoses de Cadmus et d’Hermione en serpents. — IV. D’Atlas en montagne. — V. Persée délivre Andromède. — VI. Il l’épouse.


I. Cependant la fille de Minée(1), Alcithoé, refuse ses hommages au culte de Bacchus : elle ose même nier qu’il soit fils de Jupiter, et ses sœurs deviennent les complices de son impiété. Le prêtre ordonne de célébrer les mystères : il commande aux maîtresses et aux esclaves de suspendre leurs travaux, de couvrir leur sein d’une peau, de délier les bandelettes qui retiennent leurs cheveux, de porter sur leur tête des couronnes et dans leurs mains des thyrses entourés de pampres ; il annonce que le dieu vengera sans pitié son culte méprisé. À sa voix les mères et les filles déposent leurs fuseaux, leur corbeille et leur toile inachevée ; elles offrent au dieu de l’encens, et l’invoquent sous le nom de Bacchus, de Bromius, de Lyæus(2) ; elles l’appellent le fils du feu, l’enfant deux fois né, le seul qui ait eu deux mères ; elles ajoutent les noms de Nysée, de Thyonée à la longue chevelure, de Lénéus, l’inventeur du raisin qui bannit la tristesse, de Nyctélius, de père Élélée, d’Iacchus et d’Évan, et tous les autres noms que te prodiguent, ô Bacchus ! les villes de la Grèce. « Pour toi, disent-elles, la jeunesse ne s’épuise pas ; toujours enfant, ta beauté attache sur toi les regards du céleste séjour, et ton front, quand il dépouille son croissant(3), a toutes les grâces d’une vierge. L’Orient t’est soumis jusqu’aux lieux où le Gange, en terminant son cours, baigne l’Inde et ses noirs habitants. Dieu vénérable, Penthée et Lycurgue armés de la hache à deux tranchants(4), expient leur sacrilège sous tes coups ; tu précipites dans les flots les matelots tyrrhéniens ; tu courbes sous un double joug la tête des lynx que guide un frein étincelant ; à ta suite marchent les bacchantes, les satyres et le vieillard(5) dont un bâton soutient les membres chancelants sous les vapeurs du vin, ou qui s’assied mal assuré sur le dos de son âne. Partout où tu parais retentissent les cris des jeunes gens, les voix des femmes, les tambours que frappe un bras vigoureux, l’airain concave et le buis percé de nombreuses ouvertures. Mo-