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les métamorphoses

élevés, brillent revêtus d’une auguste majesté ; chacun d’eux se fait reconnaître à ses traits ; mais la grandeur royale éclate sur le front de Jupiter. Le roi des mers est debout : il frappe de son long trident des rochers escarpés, fait jaillir un coursier de leur flancs entr’ouverts, et, par ce témoignage de sa puissance, il revendique l’empire de la contrée. La déesse se représente elle-même armée de son bouclier et de sa lance à la pointe acérée ; elle met un casque sur sa tête ; autour de sa poitrine, l’égide qui la protège. Elle frappe la terre de sa lance, et l’on en voit sortir l’olivier tout chargé de ses fruits et de son pâle feuillage : Les dieux sont transportés d’admiration, et Pallas couronne son ouvrage par sa victoire. Cependant, pour qu’un exemple apprenne à sa rivale quel prix elle doit attendre de son audace insensée, elle représente, aux quatre coins de la toile, quatre combats remarquables à la fois par la vivacité du coloris et par la petitesse des figures. À l’un des angles on voit Hémus et son épouse Rhodope de Thrace, aujourd’hui montagnes chargées de frimas, autrefois mortels orgueilleux qui usurpèrent les noms des plus puissantes divinités : dans une autre, c’est la destinée déplorable de la mère des pygmées(5). Junon, qu’elle avait provoquée, la vainquit, la changea en grue, et la condamna à faire la guerre à ses sujets. Plus loin, c’est Antigone, qui jadis osa se mesurer avec l’épouse du grand Jupiter. La reine des dieux la métamorphosa en oiseau. Ni la gloire d’Ilion, sa patrie, ni celle de Laomédon, son père, ne purent la sauver ; sous le plumage d’une cigogne au long bec, des cris bruyants applaudissent encore à sa beauté. Le dernier angle montre Cinyre, privé de sa famille et embrassant les degrés du temple formés des membres de ses filles ; couché sur le marbre, des larmes semblent couler de ses yeux. Les branches de l’olivier pacifique bordent ce tableau : tel en est le dessin ; la déesse le termine par l’arbre qui lui est consacré.

La jeune Méonienne peint Europe abusée par l’image d’un taureau : l’œil croit voir un taureau vivant, une mer véritable. La fille d’Agénor semble tourner ses regards vers la terre qu’elle vient de quitter ; elle semble appeler ses compagnes, craindre l’atteinte des flots qui bondissent vers elle, et replier timidement la plante de ses pieds. Elle peint Astérie se débattant dans les serres d’un aigle, Léda reposant sous les ailes d’un cygne, Jupiter qui se cache sous la forme d’un satyre, pour rendre mère de deux enfants la belle Antiope,(6) ou sous les traits d’Amphitryon, pour te séduire, ô Alcmène ! qui se change en pluie d’or pour tromper Danaé ; qui devient flamme avec la fille d’Asopus(7), berger avec Mnémosine, serpent, aux changeantes couleurs, avec la fille de Cérès. Et toi, Neptune, sous les traits d’un taureau menaçant, elle te couche aux pieds de la fille d’Éole ; tu empruntes la figure de l’Énipée pour donner le jour aux Aloïdes(8) ; faux bélier, tu charmes Bisaltis(9) : Cérès, aux blonds cheveux, douce mère des moissons,