Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/416

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si généreux. » En même temps ils ravissent à Atalante le don de l’amour, à Méléagre le droit de la victoire. C’en est trop : hors de lui et bouillant de colère : « Apprenez, s’écrie Méléagre, apprenez ravisseurs de la gloire d’autrui, quelle distance il y a de la menace aux actions » ; et Plexippe tombe percé d’un coup fatal qu’il était loin de prévoir. Toxée balançait entre le désir de venger son frère et la crainte d’un pareil sort : Méléagre a bientôt mis fin à son incertitude, et fumant encore du sang de Plexippe, le fer se plonge dans le sang du frère.

Althée allait, avec des présents, remercier les dieux de la victoire de son fils, lorsqu’elle voit rapporter les corps inanimés de ses frères : à cette vue elle fait retentir la ville de cris plaintifs et de gémissements, et change sa parure de fête en vêtements lugubres. Mais au nom du meurtrier, son désespoir se tait, ses larmes s’arrêtent, et dans son cœur il ne reste plus que le désir de la vengeance. Au moment où la fille de Thestius venait de donner le jour à Méléagre, les trois Parques jetèrent un tison dans la flamme du foyer, et tournant sous leurs doigts le fuseau de sa destinée : « Nous attachons dirent-elles, à la durée de ce tison la durée de ta vie, enfant qui viens de naître. » Après ces paroles prophétiques, les Parques s’éloignèrent ; la mère enlève aussitôt du foyer le tison enflammé, et l’éteint. Longtemps il resta caché dans l’endroit le plus secret du palais, et ta mère en le conservant, ô Méléagre, avait conservé tes jours. Elle le tire alors de ce réduit, se fait apporter des éclats de bois et en approche la flamme ennemie. Trois fois elle voulut jeter le tison dans le brasier, et trois fois elle le retint prêt à tomber ; mère et sœur tout à la fois, ces deux titres luttent dans son cœur et le partagent. Tantôt l’idée du crime qu’elle va commettre la fait pâlir d’horreur, tantôt les feux de la colère lui montent au visage. On voit s’y peindre tour à tour les mouvemens d’une fureur menaçante et ceux d’une tendre pitié ; à peine la soif de la vengeance a-t-elle séché ses larmes, que leur source se rouvre aussitôt. Tel qu’un vaisseau que les vents et les flots poussent en sens opposé, jouet de deux forces contraires, leur obéit en même temps ; ainsi la fille de Thestius flotte entre deux sentiments divers, et sent tour à tour s’apaiser et renaître sa colère. La vengeance l’emporte cependant ; elle est plus sœur que mère. Elle va, dans sa pieuse impiété, satisfaire par le sang de son fils aux mânes de ses frères, et, voyant s’élever la flamme du funeste brasier. « Qu’elle brûle, dit-elle, le fruit de mes entrailles. » Le fatal tison à la main, et debout devant cet autel funéraire : « Divinités vengeresses, Euménides, poursuit la malheureuse Althée, soyez