Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/444

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étouffe une flamme insensée et sans espoir ; songe quel est ton sexe et ne t’abuse pas toi-même ; aspire à ce qui t’est permis, et femme, n’aime que ce qu’une femme doit aimer. C’est l’espérance qui fait naître l’amour, c’est l’espérance qui le nourrit, et ton sexe te défend d’espérer ; ce n’est ni la surveillance d’un gardien, ni les soins ombrageux d’un maître, ni la dureté d’un père, qui éloignent de tes baisers l’objet de ta tendresse ; elle-même ne se refuse point à tes vœux, et cependant tu ne saurais la posséder, quand même tout arriverait au gré de tes désirs. Tu ne peux être heureuse, non, quand même les dieux et les hommes conspireraient pour ton bonheur. C’est là le seul de mes vœux qui demeure impuissant : les dieux, faciles à mes prières, m’ont accordé tout ce qui était en leur pouvoir. Ce que je désire est le vœu de mon père, le vœu d’Ianthé, celui de l’auteur de ses jours. Mais la nature s’y oppose, la nature plus puissante que nous tous ; elle seule met obstacle à mon bonheur ; voici déjà le moment tant souhaité, voici le jour de l’hymen ; Ianthé va bientôt être à moi. Mais elle ne peut m’appartenir ! au sein des eaux la soif nous dévorera sans cesse. Toi qui présides aux mariages, ô Junon ; et toi, Hyménée, pourquoi venir à cette solennité où toutes deux épouses, aucune n’aura d’époux qui la conduise à l’autel. » Elle dit et se tait ; l’autre vierge est en proie à des ardeurs non moins vives ; elle te conjure, Hyménée, de voler promptement auprès d’elle. Mais l’instant qu’elle appelle, Téléthuse le redoute et cherche à le différer ; une feinte langueur et souvent des présages, des songes, servent de prétextes à ses délais. Mais déjà toutes les ressources du mensonge sont épuisées, l’heure de l’hymen si longtemps différé arrive : il ne reste plus qu’un seul jour. Téléthuse détache les bandelettes qui ceignent son front et celui de sa fille, et les cheveux épars, elle embrasse l’autel : « Isis, s’écrie-t-elle, toi qui chéris Parætonium(46) et les champs de Maréotis, Pharos et le Nil aux sept canaux, viens à notre aide, je t’en conjure, et dissipe nos alarmes. Ô déesse, c’est toi que j’ai vue autrefois dans l’appareil qui t’environne ; j’ai tout reconnu, ton cortège, tes flambeaux, le son de tes sistres, tes ordres ; tout est resté gravé dans ma mémoire. Si ma fille voit le jour, si j’ai moi-même échappé aux remords domestiques, je le dois à tes conseils et à tes avertissements. Prends pitié de nous deux, et prête-nous ton appui. » Elle accompagne cette prière de ses larmes. Elle croit voir la déesse agiter ses autels ; ce n’était point une illusion : les portes du temple s’ébranlent, le croissant de la déesse brille de l’éclat de la lune, et le sistre sonore frémit. Inquiète encore, mais réjouie par cet heureux présage, Téléthuse sort du temple : Iphis la suit d’un pas plus hardi que de coutume ; son teint perd sa blancheur délicate, ses