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les métamorphoses


LIVRE ONZIÈME


ARGUMENT. — I. Mort d’Orphée. — II. Métamorphose des Ménades en arbres. — III. Du sable du Pactole en or. — IV. Des oreilles de Midas en oreilles d’âne. — V. Fondation de Troie. — VI. Naissance d’Achille. — VII. Crime et châtiment de Pélée. — VIII. Naufrage et mort de Céyx ; description du palais du Sommeil ; métamorphose de Céyx et d’Alcyone en alcyons. — IX. D’Ésaque en plongeon.


I. Tandis que, par ses accents, le chantre de Thrace entraîne sur ses pas les forêts, les bêtes féroces et les rochers émus, voici que, du haut d’une colline, les bacchantes furieuses, au sein couvert de sanglantes dépouilles, aperçoivent Orphée qui marie ses chants aux accords de sa lyre. Une d’elles, les cheveux épars et flottant dans les airs : « Le voilà, s’écrie-t-elle, le voilà, celui qui nous méprise » ; et elle frappe de son thyrse la bouche harmonieuse du prêtre d’Apollon. Le trait enveloppé de feuillage laisse sans blesser une empreinte légère. Une autre s’arme d’un caillou qui, lancé dans les airs, est vaincu par les accords de la lyre et des chants, et comme pour implorer le pardon d’une si criminelle audace, vient tomber suppliant aux pieds du poète. La fureur des Ménades s’en accroît : elles ne connaissent plus de bornes : l’aveugle Érinnys les possède ; les chants divins auraient émoussé tous leurs traits ; mais une horrible clameur s’élève, la flûte de Phrygie, les tymbales, le bruit des mains frappées, les hurlements des bacchantes étouffent de leurs sons discordants les sons harmonieux de la lyre : alors seulement les rochers se teignirent du sang du chantre dont ils n’entendaient plus la voix. Les innombrables oiseaux, les serpents, les bêtes féroces qu’avait attirés la lyre, et qui semblaient être encore sous le charme de la voix d’Orphée, la troupe furieuse des Ménades les disperse. Puis elles tournent contre le chantre leurs mains criminelles. Tel l’oiseau de la nuit, si le jour l’a surpris dans la plaine, est entouré d’une foule d’oiseaux attirés par sa vue : ou tel, le matin(1), aux yeux des spectateurs, un cerf qui doit périr dans l’arène est livré en proie à une meute féroce : ainsi les Ménades entourent Orphée, le frappent de leurs thyrses verdoyants, faits pour un autre usage. Celles-ci s’arment de glèbes ; celles-là, de branches arrachées : d’autres lancent d’énormes cailloux. Tout sert d’arme à leur fureur. Non loin de là des bœufs traçaient avec le soc des sillons dans la plaine, et de robustes laboureurs confiaient