Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/478

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cendres ne se mêlent pas, que nos deux noms se touchent. » La douleur ne lui permet pas d’en dire davantage ; chacune de ses paroles est étouffée par un sanglot, et sa poitrine oppressée laisse échapper des gémissements.

L’aurore a paru : Alcyone quitte son palais et se rend au rivage ; elle va visiter ces lieux, témoins du départ de Céyx. « Là, dit-elle, il s’arrêta, et tandis qu’on levait l’ancre, prêt à partir, il me donna sur ce rivage ses derniers baisers. » Ces lieux lui rappellent ces tristes souvenirs ; elle regarde au loin la mer, et, tout à coup, sur la plaine liquide, elle croit apercevoir comme un corps humain. Elle ne peut d’abord le distinguer ; mais bientôt le flot s’avance, et malgré l’éloignement, Alcyone peut reconnaître un cadavre. Elle ne sait quel est ce corps, mais c’est celui d’un naufragé, et ce présage la trouble : elle lui donne des larmes sans le connaître. « Ah ! malheureux, dit-elle, qui que tu sois, malheureuse est ton épouse, si tu en as une. » Poussé par les ondes, le corps s’approche, et plus elle le regarde, plus elle se sent troublée. Déjà le cadavre touche la terre ; elle peut le reconnaître : c’est celui de son époux : « C’est lui ! » s’écrie-t-elle ; et elle déchire son visage, ses cheveux, ses vêtements, et, tendant ses mains tremblantes vers Céyx : « C’est donc ainsi, cher époux, que tu devais m’être rendu ! » Au bord des eaux s’élève une digue construite par la main des hommes, pour briser la fureur des flots et fatiguer leurs efforts. Ô prodige ! elle y monte, ou plutôt elle y vole, et, d’une aile qui vient de naître, frappe l’air et rase les ondes. Elle vole, et de son bec effilé sort un cri semblable aux cris de la douleur. Elle s’abat sur le corps froid et inanimé de Céyx ; elle embrasse de ses ailes ces membres chéris et de son bec leur donne de vains baisers. Ont-ils ranimé Céyx ou la vague a-t-elle imprimé ce mouvement à sa tête ? on en doute. Mais non, Céyx a senti ces baisers. Les dieux, enfin touchés de ses malheurs, ont métamorphosé les deux époux en oiseaux ; leurs nouveaux destins n’ont pas changé leur amour : oiseaux, ils sont encore époux ; ils s’unissent, ils se reproduisent ; et, pendant sept jours d’hiver, Alcyone couve ses petits dans son nid suspendu sur les vagues ; alors l’onde est paisible, les vents sont contenus dans leurs prisons profondes, et, en faveur de ses enfants, Éole assure la tranquillité des mers.

IX. Un vieillard, qui les voit voler ensemble sur la surface des mers, applaudit à ces amours fidèles ; un autre, ou peut-être le même : « Voyez-vous, dit-il, cet oiseau aux longs pieds, au long cou, qui plonge sa tête dans les ondes ? il sort du sang des rois : si vous vouliez remonter jusqu’à son origine, il compte pour aïeux Ilus, Assaracus et Ganymède, enlevé par l’oiseau de