Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/502

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à toi la force brutale, à nous l’intelligence ; tu es au-dessous de moi comme le rameur au-dessous du pilote, comme le soldat au-dessous du général : chez moi, la tête vaut mieux que le bras ; toute ma force est là ! Vous, chefs de la Grèce, sachez récompenser votre vigilante sentinelle. Pour tant d’inquiétude et de soins, pour tant de services, ce prix lui est bien dû. Déjà vos travaux touchent à leur fin ; grâce à moi, les destins contraires sont écartés ; Troie n’est plus imprenable, elle est prise. Au nom de vos glorieuses espérances, des murs de Troie, qui vont tomber, des dieux que j’ai enlevés à l’ennemi ; au nom de ce que je ferais encore, s’il fallait braver un nouveau péril, donner une nouvelle preuve de prudence ou d’audace, et ravir à Troie un dernier appui du destin ; Grecs, ne soyez pas ingrats envers moi ; ou, si vous ne me décernez pas les armes, voici à qui elles reviennent ! » et il montrait la prophétique statue de Pallas.

Force toute-puissante de l’éloquence ! les juges étaient vaincus, et l’orateur emporta les armes du héros. Celui qui, seul, avait tant de fois soutenu le choc d’Hector, et le fer et la flamme, et Jupiter lui-même, ne peut soutenir un affront ; la douleur abat cette âme indomptable ; il tire son épée, il la regarde : « Certes, dit-il, celle-ci est bien à moi : Ulysse la voudrait-il aussi ? allons, encore une fois sois-moi fidèle : va droit au cœur, non plus d’un Troyen, mais de ton maître : Ajax ne doit succomber que sous la main d’Ajax. » Et il se plonge l’épée fatale dans la poitrine : ce fut sa première et sa dernière blessure. On ne pouvait arracher le fer de la plaie, mais le sang l’en fit sortir ; et de la terre rougie sortit la fleur à la couleur de pourpre, déjà née du sang d’Hyacinthe. Alors on vit un double sens aux lettres gravées dans le calice ; c’est le nom du héros, c’est le cri plaintif de l’enfant(7).

II. Ulysse, vainqueur, était parti pour l’île du trop fameux Thoas et d’Hypsipyle, pour cette terre autrefois souillée du meurtre de tous les hommes qui l’habitaient(8). Son voyage est heureux, et bientôt il ramène aux Grecs Philoctète avec les flèches d’Hercule. La présence du fils de Péan termine enfin cette guerre de dix années : Troie tombe, et Priam avec elle. La malheureuse Hécube, après avoir tout perdu, perd encore la forme humaine ; et, sous un ciel étranger, l’air frémit de ses horribles aboiements. Ilion est en feu ; l’incendie éclaire de ses lueurs les rivages qui resserrent l’Hellespont captif ; le vieux Priam arrose des dernières gouttes de son sang l’autel de Jupiter ; la prêtresse d’Apollon, traînée par les cheveux, lève inutilement ses mains vers le ciel. Le vainqueur arrache des temples embrasés les femmes