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les métamorphoses

avec le Latium ; et une lutte acharnée laisse longtemps la victoire indécise. Chaque parti cherche au dehors de nouvelles forces, et le camp des Rutules et celui des Troyens se remplissent d’alliés : Énée n’est pas allé inutilement demander l’appui d’Évandre ; mais Vénulus, le député du Rotule, revient, sans avoir obtenu l’alliance de Diomède, qui, après avoir longtemps erré de rivages en rivages, avait fondé une puissante cité sur les terres que l’apulien Daunus lui avait données avec sa fille. À la demande de secours que l’ambassadeur de Turnus lui avait faite, il avait opposé l’état de ses forces ; il ne voulait pas entraîner dans une guerre les peuples de Daunus, et quant à ses propres soldats, il en restait trop peu pour former une armée. « Je n’invente pas mes excuses, dit-il à Vénulus, et pour te le prouver, malgré toute l’amertume de ces souvenirs, j’aurai le courage de te raconter mes malheurs. Après la ruine de Troie, quand la flamme des Grecs eut dévoré Ilion, Ajax, fils d’Oïlée, dont le bras impie avait arraché Cassandre du temple de Minerve, attira sur nous tous le châtiment que lui seul avait mérité. La tempête nous disperse : l’ouragan nous emporte sur les vagues menaçantes, au milieu des ténèbres, des éclats du tonnerre, d’une pluie affreuse ; le ciel et la mer en fureur se déchaînent contre nous, et les écueils du promontoire de Capharée(11) achèvent notre désastre. Je ne te fatiguerai pas du triste et long récit de tous nos malheurs : Priam lui-même aurait peut-être plaint les Grecs. Pallas m’avait arraché au naufrage : mais je suis obligé de fuir une seconde fois Argos, ma patrie(12), et Vénus, que j’avais eu l’audace de blesser sous les murs de Troie, me poursuit de toute sa haine. Que de fois alors, sur les flots, au milieu de la tempête, sur la terre, au milieu des batailles, ai-je envié le sort de ceux que, dans un même orage, sur les écueils de Capharée, la mer avait engloutis tous ensemble ! Que de fois ai-je regretté de n’avoir pas péri avec eux ! Mes compagnons, après avoir connu toutes les misères, perdaient courage, et las des tempêtes et des combats, ils demandaient la fin de cette vie errante. « Mais, dit Acmon, dont le caractère fougueux était aigri par le malheur, que reste-t-il, amis, après tant de souffrances, que nous ne puissions supporter encore ? Que pourra faire de plus toute la colère de Vénus ? Si nous avions quelque chose de pire à redouter, il y aurait sujet de former des vœux et des souhaits ; mais dans l’extrémité où nous sommes, on met la peur sous ses pieds ; l’extrême malheur ne craint plus rien. Que Vénus m’entende, si elle veut ; qu’elle haïsse à son gré tous les compagnons de Diomède ; nous méprisons sa haine, et toute sa puissance n’a sur nous que peu de prise. » Imprudentes paroles qui devaient exciter la colère de Vénus, et réveiller sa haine endormie ! Quelques-uns y applaudissent ; les autres, et c’est le plus grand nombre, font avec moi