Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/535

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
507
les métamorphoses

menaces plus vives et plus terribles. Myscélus, effrayé, se dispose à transporter en d’autres lieux ses pénates ; mais la ville s’émeut ; on l’accuse d’avoir violé la loi ; et déjà la sentence allait être prononcée, le crime était patent, les témoins inutiles, lorsque Myscélus, pâle et abattu, levant les mains et les yeux vers le ciel : « Ô toi, s’écrie-t-il, qu’ont fait dieu ton courage et tes longs travaux, je t’en prie, viens à mon secours : si je suis coupable, c’est toi qui l’as voulu. » Suivant le mode antique de rendre la sentence, des cailloux blancs absolvaient l’accusé, des cailloux noirs le condamnaient. Chaque juge laisse tomber dans l’urne impitoyable un noir suffrage ; on la renverse, pour compter les cailloux ; mais tous, de noirs qu’ils étaient, sont devenus blancs. Hercule a changé la couleur de la sentence. Myscélus est absous ; il rend grâces au fils de Jupiter ; et favorisé par les vents, il traverse la mer Ionienne. Tarente, colonie de Sparte, Sybaris, Salente, Thurium, Témèse, les champs de l’Apulie fuient derrière lui ; bientôt, en suivant toujours le rivage, il trouve l’embouchure du fleuve désigné par Hercule, et non loin de là, une tombe où reposent les cendres de Croton. C’est là que, pour obéir au dieu, il jette les fondements d’une cité nouvelle, qui reçoit le nom du mort enseveli près de ses murs. »

Telle était la tradition constante sur l’origine et les causes de la fondation de Crotone.

II. Là, Numa rencontra Pythagore : le sage de Samos avait fui sa patrie esclave(2), et à la tyrannie il avait préféré un exil volontaire. À travers les espaces, jusque dans les régions du ciel, sa pensée allait trouver les dieux, et ce que la nature dérobe aux yeux du corps, il le découvrait avec les yeux de l’âme. Après avoir recueilli en lui-même, tout vu, tout pénétré, par une étude active et profonde, il mettait au jour ses trésors, et en faisait part à tous. La foule écoutait en silence et avec admiration sa parole : il expliquait l’origine du monde, et les principes de toutes choses, et la nature, et Dieu ; comment se forment et la neige et la foudre ; si c’est Jupiter qui tonne, ou les nuages entrechoqués par les vents ; d’où viennent les tremblements de terre, et quelle loi préside aux révolutions des astres ; son génie dévoilait tous les mystères.

Le premier, il fit un crime à l’homme de charger sa table de la chair des animaux ; le premier, il fit entendre ces sublimes mais inutiles leçons : « Cessez, mortels, de vous souiller de mets abominables ! Vous avez les moissons ; vous avez les fruits dont le poids incline les rameaux vers la terre, les raisins suspendus à la vigne, les plantes savoureuses et celles dont le feu peut adoucir les sucs et amollir le tissu ; vous avez le lait des troupeaux, et le miel parfumé de thym ; la terre vous prodigue ses