Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/176

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une tour d’airain ; mais aussitôt que, mieux avisé, le séducteur se fut montré sous la forme d’un présent, la belle découvrit son sein et accorda ce qui fut exigé d’elle.

Il en était bien autrement lorsque le vieux Saturne occupait le trône des cieux. Tous les métaux étaient ensevelis à de grandes profondeurs dans le sein de la terre ; l’airain comme l’argent, et l’or ainsi que le fer touchaient à l’empire des mânes ; il n’y avait point de trésors, mais ceux de la terre étaient plus précieux. De riches moissons sans culture, des fruits en abondance, et un miel savoureux déposé dans le creux des chênes. Alors, le laboureur ne déchirait point avec sa charrue le sein de la terre ; l’arpenteur ne lui assignait aucune limite. La rame, encore ignorée, ne tourmentait point une mer remuée jusque dans ses abîmes, et son rivage était pour les mortels les bornes infranchissables du monde.

Mortels, c’est contre vous-mêmes que vous avez été industrieux ; et vous avez trouvé, dans votre génie, une source de maux sans nombre. Homme, qu’as-tu gagné à entourer les villes de murailles et de tours ; qu’as-tu gagné à armer l’une contre l’autre des mains ennemies ? Qu’avais-tu à démêler avec la mer ? La terre aurait pu te suffire. Pourquoi ne pas envahir le ciel, comme un troisième royaume ? Que dis-je ? tu aspires aussi à l’empire du ciel. Quirinus, Bacchus, Hercule, et César après eux ont des temples.

Au lieu de fruits, nous arrachons à la terre des mines d’or. Le soldat possède des richesses acquises au prix de son sang. Les palais sont fermés au pauvre ; la fortune donne les honneurs ; c’est elle qui rend le juge si imposant, et le chevalier si fier. Que tout soit en leur pouvoir, qu’ils commandent au Forum comme au Champ-de-Mars ; qu’ils soient les arbitres de la paix et de la guerre ? que leur cupidité du moins n’aille pas jusqu’à nous ravir nos amours ! Tout ce qu’on leur demande, c’est qu’ils permettent aux pauvres d’avoir quelque chose.

Mais aujourd’hui une femme, eût-elle l’orgueil farouche des Sabines, obéit comme une esclave à celui qui peut donner beaucoup. Son gardien me repousse, elle redoute pour moi la colère de son époux ; que je donne de l’or, époux et surveillant disparaissent à l’instant. Oh ! s’il est un dieu vengeur des amants dédaignés, puisse-t-il réduire en poussière des trésors si mal acquis !


ÉLÉGIE IX.

Si la mère de Memnon, si la mère d’Achille ont pleuré sur leurs fils ; si les plus puissantes déesses ressentent les coups du sort, toi aussi, plaintive Élégie, laisse tomber tes cheveux en désordre. Ah ! c’est alors, surtout, que tu seras vraiment digne de ton nom !

Le poète que tu inspirais, et qui fut ta gloire, Tibulle