Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/643

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Latium. [4, 880] Turnus se fortifia de l'alliance des Étrusques. Mézence était d'une illustre naissance, et redoutable les armes à la main, vaillant à cheval, à pied plus vaillant encore. Turnus et les Rutules s'efforcent de l'entraîner dans leur parti; le chef toscan leur répond ainsi: [4, 885] "J'ai acheté bien cher ma réputation de brave guerrier; témoin ces blessures et ces armes tant de fois rougies de mon sang. Pourtant, vous qui demandez mon secours, je n'y mettrai pas un trop haut prix: faites-moi présent du premier vin qui bouillonnera dans vos cuves. Que l'échange soit accepté sans retard. À vous de donner, à moi de vaincre. [4, 890] Si vous me refusez, vous comblerez les désirs d'Énée!" Les Rutules ont consenti. Mézence revêt son armure; Énée revêt la sienne et invoque Jupiter: "Les ennemis ont promis leur récolte au roi, toscan; je te voue, ô Jupiter, le vin des vignes du Latium." [4, 895] Le voeu le plus religieux l'emporte; le gigantesque Mézence succombe, et il mord la poussière d'une bouche qui blasphème. L'Automne arrive, les pieds tout souillés du raisin qu'il écrase; on fait hommage à Jupiter du vin qui lui a été promis. De là ce jour a pris le nom de Vinales; Jupiter le [4, 900] réclame, et c'est une fête qu'il aime à compter parmi les siennes.

Au moment où Avril n'aura plus que six jours, le printemps sera au milieu de sa course. Ne cherchez plus au ciel le Bélier d'Hellé, fille d'Athamas; des astres pluvieux se lèvent à l'horizon; le Chien vient de paraître.

[4, 905] À pareil jour, comme je revenais de Nomentum à Rome, je rencontrai, au milieu du chemin, un cortège où tous étaient vêtus de blanc: c'était le flamine qui se rendait au bois sacré de l'antique déesse Robigo, pour livrer aux flammes les entrailles d'une brebis, les entrailles d'un chien. Je m'approchai aussitôt pour être témoin de la cérémonie. [4, 910] Ton flamine, ô Quirinus, prononça ces paroles: "Fatale déesse de la rouille, épargne les blés naissants; permets à leur tige polie de se balancer au-dessus des sillons; permets aux moissons qui ont prospéré sous l'heureuse influence de constellations propices, de croître jusqu'à ce que la faux puisse les moissonner. [4, 915] Ta puissance est grande, et, à l'aspect des blés qui ont souffert de tes atteintes, le cultivateur soupire, pensant avec tristesse qu'ils sont perdus sans retour. Les vents et les pluies sont moins funestes aux trésors de Cérès; la gelée aux blancs frimas, qui les brûle et en altère l'or, est moins à craindre que le soleil qui réchauffe les tiges humides. [4, 920] C'est alors, ô déesse redoutable, que ton courroux éclate. Grâce! je te supplie! ne touche pas nos moissons de tes mains raboteuses; épargne nos guérets; qu'il te suffise de pouvoir nuire. Au lieu de t'attaquer aux tendres moissons, ronge le dur fer, et détruis la première ce métal destructeur; [4, 925] ne vaut-il pas mieux que tu dévores les épées et les javelots homicides? Nous ne