Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/646

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chacun cesse de se préférer à tous. Cet état de choses subsista dans les cieux pendant de longues années, jusqu'au moment où le plus vieux des dieux fut précipité par les destins du haut de l'Olympe. [5, 35] La Terre enfanta les géants, race farouche, monstres énormes qui osèrent attaquer le palais même de Jupiter. Elle leur donna mille bras, des serpents au lieu de jambes, puis elle leur dit: "Déclarez la guerre aux dieux puissants." Déjà ils se disposaient à entasser des montagnes jusqu'aux astres, [5, 40] et à provoquer au combat le grand Jupiter; mais Jupiter, lançant la foudre du haut des cieux, renverse ces masses prodigieuses sur ceux mêmes qui les ont accumulées. Ainsi triompha la Majesté, défendue par les armes des dieux, et, depuis ce temps, rien n'a ébranlé son empire. [5, 45] Elle est assise auprès de Jupiter; elle veille près de lui avec fidélité, et maintient sans violence dans ses mains le sceptre redoutable. Elle est aussi descendue sur la terre; Romulus et Numa l'ont honorée, et d'autres après eux, suivant l'ordre des temps. C'est elle qui conserve aux pères et aux mères le pieux respect qui leur est dû; [5, 50] c'est elle qui est la compagne des jeunes enfants et des vierges; c'est elle qui rend augustes, et les faisceaux et l'ivoire de la chaise curule; c'est elle qui se dresse altière sur le char de triomphe attelé de chevaux couronnés."

Polymnie avait dit; Clio, et Thalie, la maîtresse de la lyre, applaudissent à ses paroles. [5, 55] Uranie se lève; toutes font silence, et l'on n'entend que la voix qui prononce ces mots:

"Autrefois une tête blanche était en grande vénération: la vieillesse était respectée à cause de ses rides. Les jeunes gens soutenaient les fatigues de la guerre et luttaient avec courage dans les combats; [5, 60] les armes à la main, ils veillaient pour défendre les sanctuaires des dieux. La vieillesse, moins robuste, et inhabile à manier l'épée, servait souvent la patrie par ses conseils; la curie ne s'ouvrait alors qu'au grand âge, et le nom même du sénat n'était autre que celui de la calme vieillesse. [5, 65] C'étaient les anciens qui rendaient la justice au peuple, et des lois précises fixèrent le nombre d'années qu'il faudrait avoir déjà comptées pour prétendre aux honneurs. Un vieillard était-il avec plusieurs jeunes gens? sans les offenser, il prenait la place du milieu; avec un seul, il marchait du côté du mur. Qui eût osé, en sa présence, prononcer des paroles déshonnêtes? [5, 70] La vieillesse était une autre censure. Romulus, qui avait observé ces moeurs, donna le nom de Pères à ceux qu'il choisit pour mettre entre leurs mains le gouvernement de la ville nouvelle. Je croirais volontiers que ces hommes, d'un âge majeur, pour honorer leur âge même, en donnèrent le nom au mois de mai. [5, 75] Peut-être aussi Numitor dit-il à Romulus: "Que ce mois appartienne aux vieillards;" et le petit-fils ne put refuser son aïeul. Et ce qui témoigne puissamment