Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/815

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne doivent s’adresser ni à l’impie Procné, ni à la fille Eétès, ni aux brus d’Egyptus, ni à l’odieuse épouse Agamemnon, ni à Scylla, dont les flancs épouvantent les dots du détroit de Sicile, ni à la mère de Télégonus, habile à donner aux hommes de nouvelles formes, ni à Méduse, dont la chevelure est entrelacée de serpents. Celle que tu dois fléchir est la première des femmes, celle que la Fortune a choisie pour prouver qu’elle n’est pas toujours aveugle, et qu’on l’en accuse à tort, celle enfin qui, dans le monde entier, du couchant à l’aurore, ne trouve personne de plus illustre qu’elle, excepté César. Cherche avec discernement et saisis aussitôt l’occasion de l’implorer, de peur que ton navire, en quittant le port, ne lutte contre une mer orageuse. Les oracles ne rendent pas toujours leurs arrêts sacrés, les temples eux-mêmes ne sont pas toujours ouverts. Quand Rome sera dans l’état où je suppose qu’elle est maintenant, lorsque aucune douleur ne viendra attrister le visage du peuple, quand la maison d’Auguste, digne d’être honorée comme le Capitole, sera, comme aujourd’hui (et puisse-t-elle l’être toujours !), au milieu de l’allégresse et de la paix, alors fassent les dieux que tu trouves un libre accès ! alors espère dans l’heureuse issue de tes prières. Si elle est occupée d’intérêts plus graves, diffère encore, et crains, par trop de hâte, de renverser mes espérances. Je ne t’engage pas non plus à attendre qu’elle soit entièrement libre. À peine a-t-elle le loisir de songer à sa parure. Le palais fût-il entouré du majestueux cortège des sénateurs, il faut que tu pénètres jusqu’à elle, en dépit des obstacles. Arrivée en présence de cette nouvelle Junon, n’oublie pas le rôle que tu as à remplir.

N’excuse pas ma faute. Le silence est ce qui convient le mieux à une mauvaise cause. Que tes paroles ne soient que d’ardentes prières ! Laisse alors couler tes larmes, et, prosternée aux pieds de l’immortelle, tends vers elle tes mains suppliantes. Puis, demande seulement qu’on m’éloigne de mes cruels ennemis, qu’il me suffise d’avoir contre moi la Fortune. J’ai bien d’autres recommandations à te faire, mais déjà troublée par la crainte, tu pourras à peine, d’une voix tremblante, prononcer ce que je viens de te dire. Le trouble, si je ne me trompe, ne saurait te nuire. Qu’elle sente que tu redoutes sa majesté ! Les paroles entrecoupées de sanglots n’en serviront que mieux ma cause. Parfois les larmes ne sont pas moins puissantes que les paroles. Fais encore que cette tentative soit favorisée par un jour heureux, une heure convenable, et inaugurée par de bons présages. Mais avant tout, allume le feu sur les saints autels, offre aux grands dieux l’encens et le vin pur, et que ces honneurs s’adressent surtout à Auguste, à son fils pieux, à celle qui partage sa couche. Puissent-ils te