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ORNEMENTS ÉGYPTIENS.

L’architecture d’Égypte a cela de particulier, par dessus tous les autres genres d’architecture, que plus le monument est ancien, plus l’art en est parfait. Tous les débris dont nous ayons connaissance représentent l’art égyptien à l’état de décadence. Des monuments élevés deux mille ans avant l’ère chrétienne, sont formés des ruines de bâtiments encore plus anciens et plus parfaits. C’est ainsi que nous nous trouvons portés en arrière vers une période qui est trop éloignée de nos temps, pour que nous puissions découvrir les vestiges de son origine ; et pendant que nous pouvons tracer, en succession directe, comme descendante de cette grande source mère, l’architecture grecque, romaine, byzantine, avec ses rejetons, l’architecture arabe, mauresque, et gothique, nous ne pouvons faire autrement que de croire que l’architecture d’Égypte est un style purement original, qui naquit avec la civilisation dans l’Afrique centrale[1], passa à travers des siècles sans nombre pour arriver au point culminant de la perfection, et puis à l’état de décadence où nous le voyons actuellement. Cet était est inférieur, sans doute, à la perfection inconnue de l’art égyptien, mais il l’emporte de beaucoup sur tout c qui suivit ; les Égyptiens ne sont inférieurs qu’à eux-mêmes. Dans tous les autres styles nous pouvons tracer l’avancement rapide, depuis l’enfance fondée sur quelque style du passé, jusqu’au point culminant de la perfection, où l’influence étrangère fut modifiée ou écartée et où commença la descente vers la période d’une décadence lente et languissante, s’entretenant aux frais de ses propres éléments. Sur l’art égyptien nous ne voyons aucune trace d’enfance ou d’influence étrangère ; d’où il faut conclure que les Égyptiens puisaient leurs inspirations directement aux sources de la nature. Cette rue est confirmée surtout par l’examen de l’ornement égyptien ; les types en sont peu nombreux, et ils sont tous des types naturels ; et la représentation ne s’écarte du type que très légèrement. Mais plus nous descendons l’échelle de l’art, plus nous trouvons qu’on s’éloigne des types originaux ; à tel point, que dans bien des ornements, tels que les ornements arabes et mauresques, il est difficile de découvrir le type original d’où l’ornement a été développé par les efforts successifs de l’esprit.

Le lotus et le papyrus qui croissent aux bords de leur rivière, symboles de la nourriture du corps et de l’esprit ; les plumes d’oiseaux rares qu’on portait devant le roi, comme emblème de la souveraineté ; le rameau du palmier, avec la corde torse faite de ses tiges : tels sont les types peu nombreux qui forment la base de cette immense variété d’ornements avec lesquels les Égyptiens décoraient les temples de leurs dieux, les palais de leurs rois, les vêtements qui couvraient leur personne, leurs articles de luxe ainsi que les objets modestes destinés à l’usage journalier, depuis la cuiller en bois, avec laquelle ils mangeaient jusqu’au bateau qui devait porter à travers le Nil à la vallée des morts, leur dernière demeure, leurs corps embaumés et ornés de la même manière. En imitant ces types, les Égyptiens suivaient de si près la forme naturelle, qu’ils ne pouvaient guère manquer d’observer les mêmes lois que les œuvres de la nature déploient sans relâche ; c’est pourquoi nous trouvons, que l’ornement égyptien, tout en étant traité d’une

  1. On peut voir au musée Britannique, le plâtre d’un bas-relief de Kalabshée en Nubie, représentant les victoires remportées par Ramses II, sur un peuple noir, les Éthiopiens, à ce que l’on croit. Il est dignes de remarque que, parmi les représentations de présents offerts par ce peuple comme tribut au roi, on voit, outre les peaux de léopard et d’animaux rares, outre l’ivoire, l’or, et les autres produits du pays, trois chaises d’ivoire sculpté, précisément pareilles à celle sur laquelle le roi est assis au moment de recevoir ces présents ; ce qui paraît indiquer que les Égyptiens tiraient de l’intérieur de l’Afrique ces objets de luxe si soigneusement travaillés.
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