Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/217

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blée par la corruption du clergé et par les violences des grands, on vit la multitude abandonner l’Évangile et relever les idoles. À vrai dire, les deux paganismes se confondent, et la lutte de trois cents ans que l’Église avait soutenue conte les faux dieux de Rome n’était que l’apprentissage d’un combat plus long qu’elle devait livrer aux divinités des Germains. Là aussi elle vainquit par la charité poussée jusqu’au martyre, et par la controverse poussée jusqu’au dernier degré de condescendance pour les esprits grossiers. Le christianisme traita ces barbares avec le même respect que les peuples de l’Italie et de la Grèce. Toute la polémique des anciens apologistes reparaît dans les homélies des missionnaires qui évangélisent la Frise et la Thuringe. L’évêque Daniel, enseignant comment il faut discuter avec les païens du Nord, renouvelle les arguments de saint Maxime de Turin : « Vous leur demanderez, dit-il, si leurs dieux engendrent encore, ou pourquoi ils ont cessé de multiplier[1]. »

Cependant Charlemagne approchait ; il allait assurer au christianisme l’empire, mais non le repos. Le paganisme vaincu se transforma : au lieu d’un culte, ce ne fut plus qu’une superstition. Mais sous cette forme, il conserva ce qui faisait son fond, le pouvoir d’égarer les hommes par la terreur et par la volupté. Les peuples

  1. Gibbon, Hist. of decline and fall of Roman empire, chap. 28. Beugnot, Hist. de la chute du paganisme en Occident. Procope, de Bello gothico. Saint Grégoire, Epist. En ce qui touche la conversion des Germains, qu’il me soit permis de renvoyer à mon livre sur la Civilisation chrétienne chez les Francs.