Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/182

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mains, et les Romains de la décadence devaient reconnaître avec surprise, dans les livres du philosophe égyptien, quelques-unes des doctrines qui faisaient le fond de la religion nationale. Ils les voyaient relevées par l’éloquence, fortifiées par une logique subtile, éclairées des feux d’un mysticisme éblouissant. En même temps ils trouvaient chez les néoplatoniciens de quoi justifier le reste de leurs croyances, et jusqu’aux plus fabuleux récits dont on les avait bercés. Ainsi Apulée avait distingué entre les dieux incorporels, incapables de passions, et les démons doués d’un corps subtil et d’une âme passionnée ; toute la mythologie se réfugiait sous cette distinction. Ce n’étaient plus les dieux, c’étaient les démons qui prenaient plaisir à l’odeur des sacrifices ; c’étaient eux que les poëtes mettaient en scène et qu’Homère avait pu faire descendre sans profanation sur les champs de bataille[1]. Porphyre imagina mille explications pour donner un sens aux mythes de l’Égypte et de la Grèce[2]. Macrobe n’a pas d’autre dessein que de justifier les fables par la philosophie ; « car, dit-il, la connaissance des choses sacrées se cache sous ses voiles… La nature n’aime pas à être surprise dans sa nudité. Numénius ayant trahi, par une interprétation téméraire, les mystères d’Éleusis, on assure que les déesses outragées lui apparurent en habits de courtisanes, l’accusant de les avoir tirées de leur sanctuaire pour les prostituer aux passants. Ainsi les

  1. Apulée, de Deo Socratis, 3, 6, 7, 14.
  2. Porphyre, de Antro Nympharum.