Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/185

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Le dernier numéro de la Revue contient une poésie de Francheville, laquelle ressemble fort à un épithalame, et il y est question de choses que la vertu reconnue du jeune homme me commande regarder comme un préliminaire de mariage. Telles sont les nouvelles qu’il m’est permis de publier que serait-ce si je pouvais révéler tout ce qui m’est dit à l’oreille !

Pour me fortifier contre la contagion de l’exemple et me retremper dans l’amour de la solitude et de la liberté, je suis allé avec mon frère en pèlerinage à la Grande-Chartreuse. Il va sans dire que nous sommes allés à pied et que nous ne sommes pas morts de tristesse en route. Le premier jour, nous avons fait plus de douze lieues, ainsi je suis désormais ton égal. Je ne te dirai pas ce que nous avons vu, parce que tu as déjà fait le même pèlerinage. Tout ce que je puis dire, c’est que j’ai trouvé là une nature que je n’aurais pas le talent de décrire et des hommes que je n’aurais pas la force d’imiter. Toutefois l’impression que ce voyage a produite sur moi diffère beaucoup de l’idée que je m’en étais faite à l’avance. Je n avais entendu parler que de sublimes horreurs, de torrents, de précipices, de déserts, d’effrayantes austérités ; et je n’ai vu qu’une solitude délicieuse, une végétation magnifique, de riches prairies, des forêts où la verdure du hêtre se mêle à la noirceur du sapin, des rochers entremêlés de rosiers, des ruisseaux tombant, en élégantes