Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/223

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pour se porter médiateur, ni de monter trop haut, ni de descendre trop bas.

Et cependant, en écrivant ceci, il me semble que je me fais quelque violence, et les ratures nombreuses qui se rencontrent dans ces dernières lignes rendent témoignage qu’une pensée contraire me distrait. Tout en reconnaissant dans le passé de ma vie cette conduite providentielle que je ne me lasse pas d’admirer, je ne puis m’empêcher de jeter un regard défiant et un peu sombre sur l’avenir. Le moment de se choisir une destinée est un moment solennel, et tout ce qui est solennel est triste. Je souffre de cette absence de vocation qui me fait voir la poussière et les pierres de toutes les routes de la vie, et les fleurs d’aucune. En particulier celle dont je suis le plus près maintenant, celle du barreau, m’apparaît moins séduisante. J’ai causé avec quelques gens d’affaires ; j’ai vu les misères auxquelles il faudrait se résigner pour obtenir d’être employé, et les autres misères qui accompagneraient l’emploi. On a coutume de dire que les avocats sont les plus indépendants des hommes ils sont au moins aussi esclaves que les autres car ils ont deux sortes de tyrans également insupportables les avoués au commencement, et la clientèle plus tard. Assez, mon cher ami, assez de mes murmures, assez de ces inquiétudes d’homme de peu de foi et, si vous voulez que ce ne soit point une faute de vous les avoir communiquées, rece-