Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/84

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bien te passer de moi, tandis que tu devais toujours me manquer davantage. Tout cela est vrai, mon ami ; souviens-toi comme dans nos causeries familières nous commencions toujours par discuter, comme pour nous mettre à l’unisson ; puis, lorsque nous étions d’accord, tu environnais de tes rêveries tourbillonnantes le principe que j’avais posé. Je formulais une idée, tu la poursuivais, tu la développais sous les faces les plus brillantes. Aujourd’hui l’étude t’a fait capable de formuler par toi-même, et pour toi-même tu as beaucoup lu, beaucoup travaillé depuis un an et demi que nous nous sommes séparés, tu as marché vite dans la voie. Non-seulement tu m’as atteint, mais tu m’as devancé sous bien des rapports ; tu t’es beaucoup occupé du grand problème social de l’amélioration des classes laborieuses, auquel j’ai a peine songé bien mieux que moi tu connais la littérature et la philosophie allemandes ; tu as acquis dans l’usage de la bonne société une facilité de parole dont je suis bien éloigné ensuite, ce qui est beaucoup plus méritoire, tu as porté dans tes nouvelles études de procédure une bonne volonté qui sera récompensée plus tard. Pour moi, au contraire, excepté quelques connaissances d’orientalisme, quelques idées très-vagues de droit et de législation, un certain nombre de notions nouvelles sur la philosophie de l’histoire, de légers aperçus d’économie politique, puisés surtout dans les discussions