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LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

des choses terrestres, et qui s’élèvent au-dessus des sens, dans cette sphère supérieure et lumineuse, dans ce monde idéal et éternel tu retrouveras à toute heure, et à ton gré, celle que tu croyais avoir perdue. Ainsi le commerce des yeux et de la parole se remplace par celui de la pensée. Une mystérieuse correspondance entrelace ses rotations actives dans l’intervalle qui nous sépare : à peu près comme ces lettres encourageantes que nous recevions à l’époque où, dans l’exil de nos études universitaires, nous faisions l’apprentissage de notre isolement actuel. Et puis, la séparation n’est pas sans fin ; encore trente, quarante années, et nous serons au rendez-vous, pour ne nous quitter plus.

Nous prierons pour ta mère, nous serions plus tentés de l’invoquer. Je voudrais aussi écrire à ton père, toujours si bon pour moi mais c’est à peine si j’ai le courage de finir ces lignes plusieurs fois interrompues. Tu craignais, je le sais, que le mariage, ses sollicitudes et ses joies, ne me rendissent plus étranger, plus insensible aux devoirs et aux affections d’une vieille amitié. Oh ! je le sens bien maintenant, les liens du sang en se multipliant s’affermissent, on ne comprend jamais si bien ce qu’il y a de sacré dans la famille qu’au moment d’en fonder une nouvelle. Si les obligations de ta carrière t’amènent bientôt à Paris, tu viendras nous trouver, et tu verras