Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/196

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moins je voyais les petits bois et les jolis sentiers où ils allaient conduits cueillir des fraises. L’oncle chartreux marchait le premier en éclaireur, et, quand il avait découvert un nid de fraises, il appelait ses joyeuses nièces « Venez, mesdemoiselles, c’est tout rouge». Et l’on revenait avec des paniers tout pleins de ces jolis petits fruits qu’on mangeait avec du lait excellent. J’ai visite l’église où ma bonne mère a fait sa première communion, sous la direction de ce bon curé, qui lui répétait « Nous irons les deux, nous irons les deux en Paradis. » Je l’ai trouvée comme ma mère me l’avait décrite, partagée, hélas ! entre les deux cultes, le sanctuaire réservé aux catholiques, et fermé par une grille de bois, la nef commune aux catholiques et aux protestants d’un côté, la chaire du curé et le baptistère de l’autre, la chaire du pasteur et la table de la Cène. Cette chère église est bien misérable ; cependant j’y ai prié avec plus d’émotion que de coutume ; j’y ai remercié Dieu des grâces qu’il avait faites en ce lieu même à la petite exilée. J’ai prié pour ma bonne mère, parce que c’est un devoir de prier pour les morts ; mais, comme je la crois heureuse et puissante dans le ciel, je lui ai demandé de veiller sur nous, de nous aider à finir heureusement ce voyage trop long, et surtout d’obtenir à ses enfants quelques-unes de ses douces vertus. Ma femme et ma belle-mère priaient avec moi, et ma petite Marie s’agenouillait bien sagement devant la grille du