Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/343

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elle pousse comme une petite fleur, elle lit, et si vous tardez trop à revenir, elle vous écrira. Cependant je vous conjure de ne point lui donner ce sujet d’orgueil. Ne trompez pas l’espoir de ceux qui vous attendent au mois d’avril. Ne vous laissez pas retenir par les tableaux qu’on peut vous faire de nos agitations et de nos dangers. L’émeute est dans l’assemblée, l’émotion dans les salons, et le calme dans les rues. Les affaires prennent tout doucement le chemin de la prorogation. Ce n’est pas héroïque, mais c’est commode, c’est provisoire, cela permet d’ajourner l’heure des coups de fusil. Les Républicains honnêtes y trouvent l’avantage d’habituer le pays au nom de république et de conserver au moins un beau reste du suffrage universel. Les Orléanistes zélés pensent que le comte de Paris aura le temps de gagner ses vingt et un ans. Je ne parle pas des Napoléoniens qui tiennent la queue. de la poêle. Il ne reste donc plus que les Légitimistes et les Socialistes, deux partis sur cinq, pour repousser la prorogation, et je ne les crois pas assez forts. Vous voyez que je ne m’effraye point, et que je suis de votre école, ce qui n’est pas un petit mérite pour l’élève, quand le maître n’est plus là. Vraiment, parmi les biens que vous m’avez faits depuis que j’ai la joie de vous connaître, je compte aussi celui de m’avoir rassuré beaucoup quand tout le monde s’épouvantait, en 1848, et de m’avoir appris à ne jamais désespérer.