Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/108

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La première ardeur de la foi, qui partout ailleurs conduisait les chrétiens au martyre, poussait les néophytes irlandais au monastère ; et saint Patrice, se félicitait déjà de voir les fils et les filles des chefs des clans se ranger sous la loi du cloître en si grand nombre, que lui-même ne pouvait plus les compter. L’Occident n’avait rien vu de comparable à ces grandes fondations, à ces villes cénobitiques de Bangor, de Clonfert, de CLonard, dont chacune rassembla plus de trois mille hommes. Sans doute les institutions de la Thébaïde, portées sous un ciel si différent, n’y étouffèrent point le caractère national. Le christianisme a toujours traité avec respect les nations converties : il avait épargné les temples de l’Italie et de la Grèce, il ne porta pas la cognée dans les bois sacrés des Irlandais. Le grave génie des druides, leur science, leurs traditions, passèrent d’abord chez les moines pour s’y purifier. Les religieuses de Kildare entretenaient auprès de l’église de Sainte-Brigite un feu bénit qui y brûlait, encore au bout de six cents ans. Les plus austères anachorètes ne se défendaient pas de ce respect de la nature qui avait fait le fond du culte de leurs pères. Saint Colomba, sur un rocher des Hébrides, vivait dans un commerce familier avec les bêtes du désert et quand saint Keivin priait les mains étendues, on rapporte que les oiseaux venaient y pondre leurs œufs. Les bardes entraient au monastère, mais en y portant la harpe nationale,