Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/218

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la vérité, en réunissant sur une même tête le titre et le pouvoir. En 752, les guerriers réunis à Soissons élevèrent Pépin le Bref sur le bouclier, et les évêques lui donnèrent l’onction des rois d’Israël. Ce rit nouveau, inconnu des Francs mérovingiens, était emprunté à la liturgie de l’Église anglo-saxonne, et plusieurs chroniques témoignent en effet que Boniface sacra Pépin[1].

Devenu le législateur religieux d’un nouvel empire, et, après le souverain pontife, le plus grand nom de l’Église, d’Occident, Boniface tenait le serment qu’il avait prêté le jour de son ordination il étendait sa sollicitude aux intérêts généraux de la chrétienté. Déjà il avait visité dans Pavie Luitprand,

  1. Nous nous séparons ici de Rettberg, qui s’attache (t. I p. 580) à décharger Boniface de toute participation au sacre de Pépin. L’argument principal de Rettberg est le silence de beaucoup de chroniques, qui se bornent à mentionner le sacre de Pépin « consecratione episcoporum», sans nommer Boniface : tandis que son nom paraît pour la première fois dans les petites annales de Lorsch, c’est-à-dire d’un monastère comblé des bienfaits de la dynastie carlovingienne, et enclin à lui prêter facilement le prestige d’une consécration solennelle par la main de l’archevêque martyr. Annales Laurissenses, apud Pertz, I. 116, ad ann. 750. « Quod ita et factùm est per unctionem S. Bonifacii archiepiscopi Suessionis civitate. » Comme nous ne considérons pas avec Rettberg l’avènement de Pépin comme une usurpation, et que nous n’éprouvons aucun besoin de disculper saint Boniface de la part qu’il aurait prise à ce grand acte national, nous ne sommes pas touché du silence des chroniques, qui, en attribuant le sacre de Pépin aux évêques des Francs, ne désignent point Boniface, mais ne l’excluent pas davantage. Le témoignage des annales de Lorsch est formel ; il est répété par les annales de Metz, de Fulde, de saint Bertin. Mais surtout il s’accorde avec cet indice considérable que le sacre des rois fut emprunté au rituel de l’Église anglo-saxonne, avec laquelle Boniface avait conservé le commerce le plus actif.